Dans un billet précédent, j'ai déjà vanté les mérites de 1805: Sea of Glory (GMT, ci-après: "SoG) concernant sa jouabilité par correspondance. L'enchantement n'étant toujours pas retombé plusieurs parties plus tard, une brève présentation de ce jeu s'impose.
SoG propose de simuler les affrontements navals qui eurent lieu entre Anglais et Alliés (autrement dit une flotte française supportée par des vaisseaux espagnols majoritairement de faible qualité) durant l'année 1805. Alors stationné au camp de Boulogne, Napoléon espérait encore obtenir la maîtrise de La Manche afin de débarquer en Angleterre.
La simulation proposée traite du sujet à l'échelle opérationnelle; le théâtre des enjeux comprend la Méditerranée, l'Océan Atlantique Nord et les Antilles. Chaque hexagone représente 50 milles marin.
Outre le fait que la règle n’est pas amendée à ma connaissance (ce qui est rare chez GMT), quatre aspects de ce jeu m’ont particulièrement séduit :
1) La particularité des conditions de victoire. Tout d'abord, précisons que l'Allié gagne automatiquement la partie s'il parvient à franchir La Manche avec des troupes régulières (cette possibilité de victoire requiert un Anglais particulièrement passif étant donné que deux tours sont nécessaires aux navires alliés pour permettre l'installation de barge d'invasion). Habituellement, la partie se départage aux points de victoire. Ces points de victoire se décomposent en "Napoleon Objectives" et en "Pitt Objectives" de différentes valeurs; ces objectifs sont tirés aléatoirement par chacun des camps au début de la partie. Placés sur les lieux susceptibles de subir des raids ou des invasions (notamment Malte, Alexandrie, Bantry Bay, Mer du Nord, Antilles), ils restent inconnus de l’adversaire durant toute la durée du jeu. Si l'Allié parvient a effectué avec succès un raid, il récupère l'objectif "Napoleon" correspondant à l'endroit "raidé" et ne le révèle pas à l'adversaire. Dans le cadre d'une invasion, ce qui est plus difficile à réaliser puisque cela requiert un transport de troupes, il gagne non seulement l'objectif "Napoleon" mais également l'objectif "Pitt" (dont la valeur ne lui sera toutefois dévoilée qu'en fin de partie). Si à la fin du jeu, une région n'a fait l'objet d’aucun raid ni invasion, alors l'Anglais remporte les points correspondant à l'objectif "Pitt" pour cette région-là. A côté de cela, les deux protagonistes peuvent encore récolter des points en fonction des navires adverses coulés. Enfin, ils sont tout deux soumis à certains ordres de leur amirauté, ce qui peut également influencer sur le décompte des points de victoire. Par le biais de ce système, la rejouabilité de SoG est garantie. En fonction des endroits à protéger ou à attaquer (qui peuvent ne pas du tout coïncider avec les intérêts de l'ennemi), les parties prennent à coup sûr des tournures très différentes de l'une à l'autre. Cette approche favorise aussi les coups de bluff sans pour autant transformer le jeu en loterie à numéro.
2) Un tour de jeu constamment renouvelé. A chaque tour de jeu, un pool de marqueurs est constitué. Ces marqueurs sont au nombre de 19. Ils sont les suivants: marqueurs 'vent' (9) qui servent à désigner les zones activées et à bouger les flottes, marqueur 'temps' (4) qui simulent orages et tempêtes dans des endroits bien précis, marqueurs 'bonus' (4) qui permettent un mouvement supplémentaire et marqueurs 'initiative' (2). L'initiative passe d'un joueur à l'autre lors du tirage du premier marqueur éponyme. Au second tirage, le tour s'achève. Par conséquent, un tour de jeu peut durer entre 2 et 19 marqueurs. L'ordre dans lequel les marqueurs sont tirés peut profondément influencer le déroulement d'un tour. Les joueurs doivent composer avec tous ces facteurs: initiative (vaut-il mieux pourchassé ou être pourchassé ?), tempêtes (qui peuvent avoir pour effet de rompre partiellement le blocus anglais dans les ports), bonus déjà sortis (dont le manque pourrait se faire cruellement ressentir), etc. Cette approche d’ "utility risk management" est une composante essentielle de Sog.
3) Le brouillard de guerre. SoG est un jeu à blocs dont la plupart représentent une flotte. Ils permettent ainsi d'en cacher la composition. L'Allié bénéficie en plus de leurres qui entrent en jeu lors d'une sortie de port non-détectée ainsi que par le biais de marqueurs 'bonus'. L'Anglais quant à lui possède des frégates utiles pour la détection des mouvements ennemis. Certes, un tel système se justifie amplement pour un jeu naval, le jeu du chat et de la souris n'en constitue pas moins une part importante du plaisir offert par SoG.
4) Le chrome. Cet aspect est très bien développé dans SoG à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il y a les événements en tant que tels. Ils surviennent premièrement de manière aléatoire après le tirage du premier marqueur d'initiative de chaque tour. Deuxièmement, l'Anglais doit tirer un événement appelé "admiralty" à date fixe tandis que l'Allié doit remplir des directives ordonnées par Napoléon. L'impact de ces événements peut-être plus au moins important ou contraignant pour chacun des protagonistes (espionnage, révolte, indépendance US, augmentation de la production, obligation de raids ou d'invasions, etc.). A côté de cela, le mécanisme du jeu limite l'Allié dans ses mouvements tant en le contraignant dans les possibilités qu'il a de sortir des ports (par le biais de 'provision chits'. L’Allié en reçoit entre deux et trois en fonction de la saison. Ensuite il les répartit secrètement entre ses ports. Le problème est que certains d’entre eux ne permettent pas de sortir du port) que de s'orienter librement (selon des ordres de l'amirauté, il peut définir un nombre de destinations à l’avance et les modifier durant la phase administrative). Cela confère un élément de chrome supplémentaire au jeu, empêchant ainsi la flotte française de batifoler librement au milieu des océans. Enfin, on signalera que les amiraux importants sont individualisés et que de petites règles spécifiques s'appliquent pour eux à des moments bien précis (par exemple Villeneuve ‘Fatalistic’ perd son sans froid s'il doit affronter Nelson).
Arrivant à la conclusion de cette description, je ne peux que réitérer tout le bien que je pense de SoG. A dessein, je n'ai pas critiqué la carte dont le graphisme ne fait pas l'unanimité. Pour ma part, elle me convient parfaitement et ne saurait en aucun cas m'empêcher d'apprécier une partie de ce jeu original et prenant que je recommande vivement.
Justin
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