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dimanche 24 février 2019

The Fog of War : le brouillard et la guerre


Depuis sa sortie chez Stronghold Games en 2016 j'espérais pouvoir jouer à ce jeu que j'avais laissé passer à ce moment-là. Petite anecdote rigolote : je découvre en écrivant cet article que l'auteur du jeu (Geoff Engelstein) est aussi celui de The Expanse: the Board Game dont je vous parlais voilà peu. Totale coïncidence, situation toujours marrante! 

Ici, fi de vaisseaux spatiaux et de séries tv pour se retrouver à jouer d'hypothétiques supra-chefs d'armées pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il s'agit donc d'un jeu à deux joueurs permettant de simuler ce conflit d'une façon originale. En passant je trouve l'illustration de couverture certes à propos mais peu engageante. On dirait un mélange de Risk et de puzzle, ce qui constitue, à mon sens, un loupé.

Mais ne fuyez pas, restez! Il ne s'agit pas non plus d'un wargame mais d'un jeu de plateau à thème historique dont les mécaniques sont assez bien intégrées. Vous êtes toujours là? Alors allons-y!

Le jeu propose un plateau représentant le théâtre européen, entouré d'emplacements pour positionner les cartes d'armées "dans" chaque zone. Ces cartes sont de 4 types: des leurres à 0, des unités terrestres,  navales et aériennes de 0 à 3. Avec votre main de 3 cartes par tour vous pouvez donc placer des cartes dans les espaces dédiées à chaque zone de jeu afin d'en augmenter le potentiel de défense ou préparer des offensives grâce à la roue dédiée. Il s'agit là d'une des idées brillantes du jeu. Ce mécanisme permet d'inclure dans un jeu de guerre la notion de temporalité de la préparation des opérations militaires. Là où dans l'immense majorité des jeux on peut lancer des offensives au moment où on le souhaite ici vous devrez attendre et gérer.


Comment elle fonctionne cette roue ? Très simplement finalement : lorsque je veux lancer la préparation d'une opération je place sur la case indiquée NEW OP (ici Foxtrot) la carte de la zone que je souhaite attaquer et au moins une carte d'unité (même un leurre) afin d'initier la préparation. A chaque début de tour, le joueur tourne la roue hexagonale afin de faire évoluer le statut de ses opérations (jusqu'à 6 simultanément donc). C'est seulement à partir du 3e tour que l'offensive peut être lancée (mais en donnant un bonus de +1 au défenseur : le D+1) et ce jusqu'au 6e tour avec un bonus à l'attaque (A+1). Une attaque bien préparée est toujours meilleure ! Le joueur peut décider d'ajouter des cartes chaque tour aux opérations en préparation ou d'en annuler s'il le souhaite. 
Il va donc s'agir pour chaque joueur de deviner où son adversaire va attaquer, en force ou en diversion, afin de positionner suffisamment de force en défense sur les zones visées. Pour cela les joueurs disposent d'un pool de pions d'espionnage à dépenser leur permettant de regarder la moitié des cartes d'une opération en préparation adverse en espérant tomber sur la carte de la zone mais également estimer les forces en présence. L'adversaire peut surenchérir en pions pour éviter cet espionnage (mais ça a ses limites au bout d'un moment!).

Que se passe-t-il quand je choisis de lancer une offensive? Je révèle mes cartes en les retirant de la roue. Mon adversaire révèle alors les cartes posées en défense de cette zone. On compare simplement les valeurs et selon que l'attaquant est moins, plus ou au moins le double du défenseur, différentes situations émergent. S'il a le double l'attaque est un succès et l'attaquant prend le contrôle de la zone, y place un marqueur de contrôle à sa couleur. S'il a plus mais moins du double, la situation se transforme en "bourbier" et une attaque devra être résolue au tour suivant, avec moins de troupes. S'il a moins, c'est la fessée.


Comme il n'y a pas d'unités sur le plateau, la "fessée" est simulée par la gestion des cartes d'armées. Selon les résultats vos cartes après une attaque peuvent aller dans deux paquets distincts: l'OP LOSS (là il faudra racheter les cartes pour les retrouver dans sa pioche) et l'OP WIN qui reviendra un peu plus gratuitement dans votre pioche pour la suite. Le côté logistique du jeu tient donc dans vos points de production qui vous permettent d'acheter des cartes ou de nouveaux pions d'espionnage. A noter  que seul lejoueur de l'Axe marque des points de victoire pour la prise d'objectifs... c'est lui qui a la pression de l'offensive !

Voilà donc pour les mécaniques globales du jeu. Il s'agit donc bien d'un jeu de gestion de mains de cartes et de "guessing" à base de "je pense qu'il sait que je sais qu'il va faire ça donc je vais faire ça". Avec une bonne part de chance sur la pioche des cartes d'opérations adverses pendant les espionnages, et aussi lors des "bourbiers", un peu sur le même style.

Notre partie en cours...

Bon alors, j'ai trouvé ça comment?

On dit que j'ai souvent des avis tranchés mais histoire de faire mentir les mauvaises langues (:P) je vais avouer que ce jeu me laisse très partagé. 
D'un côté j'ai trouvé très bien pensée et réalisée l'idée de la temporalisation des opérations, on vit les dilemmes d'allocation de ressources militaires toujours trop faibles et du bon choix pour surprendre l'adversaire. La gestion de main de cartes est donc très bonne à mon sens, avec un bel équilibre entre la situation géo-stratégique, le besoin de ressources et la gestion des cartes. Le fameux brouillard de guerre est donc élégamment retranscrit par l'ensemble des mécaniques, très cohérentes. Ceci est pour moi entaché par deux aspects du jeu : l'ergonomie d'abord et le fameux "guessing" de l'autre. Côté ergonomie le choix d'entourer la carte d’emplacements pour les cartes n'est pas bon. Par deux fois, faute d'une bonne lecture du plateau, nous avons oublié de défendre des zones. Finalement de simples pions servant à la fois au contrôle et à la situation militaire auraient été à la fois plus lisibles et plus simples. Révéler des pions plutôt que des cartes n'étant pas un problème, ce choix aurait je pense été de loin plus judicieux. En ce qui concerne le guessing, là on est juste sur une affaire de goût et de sensibilité. Autant j'apprécie de jouer de temps en temps à des jeux dont c'est le propos (Complot par exemple), autant intégrer cette mécanique avec une dose prépondérante de chance par l'espionnage m'a plutôt déplu.

Voilà donc le genre de jeu à tester absolument si les mécaniques semblent à votre goût!

Arnaud

NB: comme on me propose une partie avec un exemplaire avec pions (justement), je pense que j'y retournerai!

dimanche 3 février 2019

La pandémie romaine


Même si je ne suis pas loin de penser que l'empire romain fut une pandémie en son temps, c'est bien du dernier opus de la série de jeux coopératifs Pandemic dont je veux parler : La Chute de Rome (qui a dit bien fait??? Oh!).

Voici donc le 3e titre de la série des Survival qui auraient pu simplement s'intituler Historical. Iberia et les maladies de la péninsule au 19e siècle et Montée des Eaux et les digues néerlandaises (presque flippant puisqu'on sent le what if d'un futur trop proche) sont donc complétés par cette Chute de Rome, nous plongeant dans un monde déstabilisé par les voisins un poil barbare du géant romain. 

Côté mécaniques de base pas de surprise, on retrouve précisément le tour de jeu de n'importe quel pandémie: je fais 4 actions, je pioche 2 cartes, je tire des cartes pour faire empirer la situation. On retrouve des Révoltes qui ne sont rien d 'autres que les Épidémies du jeu de base. On perd toujours si un joueur ne peut pas piocher de cartes joueur, si on a subit trop de Pillages (aka Éclosions), si l'on ne peut pas poser un cube sur le plateau, mais aussi, si Rome est pillée (d'où le titre, malin, donc). On gagne globalement aussi de la même façon que d'habitude : en forgeant des Alliances (aka Trouver des Remèdes) avec une petite subtilité qui consiste à réussir à génocider du plateau une tribu barbare à la place de faire alliance avec (Subtil. Si si).

Bon dit comme ça, on a l'impression que le jeu se contente d'un lifting à la sauce Histoire et Jupettes et rien d'autre. Mais en fait non. Car le système fait de son mieux pour coller à son thème et offrir quelques subtiles subtilités. Voyons voir comment :

-  Les Alliances: au nombre de 5 comme les 5 couleurs des 5 envahisseurs barbares sauvages et haineux... au lieu des 4 maladies du Pandémie de base. En plus de ça chaque barbare n'aura pas besoin du même nombre de cartes pour accepter l'alliance avec Rome et n'a pas non plus le même nombre de cartes dans le paquet, ni le même nombre de cubes.


- Le plateau : forcément c'est là que le plus d'effort d'adaptation thématique est déployé. A la différence des autres Pandemic, puisque tous les chemins mènent à Rome, ici les villes forment des routes menant à Rome (deux par couleur, soit 10 chemins possibles). Un système fort malin de placement des cubes fait que l'on a l'impression que les barbares se rapprochent de la capitale. Cet aspect rappellera fortement la série State of Siege de VPG à ceux qui la connaissent.

Où l'on voit les "chemins vers Rome" avec les flèches de chaque couleur
- Le placement initial est plus "piloté" que dans les autres jeux car seules les 6 villes connectées aux territoires barbares seront concernées. 9 cartes à bord doré servent à cela. Si vous regardez bien 3 villes sont bicolores, ce qui explique les nombres. Un peu moins de surprises donc dans ce placement initial, en bien ou en mal, mais en tout cas totalement thématique.

En plus des cartes dorées vous voyez également les cartes rouges qui sont des cartes Rome de chaque couleur, qui rejoignent la pioche après la première révolte. Là ça commence à chauffer!
- Mobilisation, légions et baston : là c'est historique et ça sent la castagne! Pour la première fois les pions des joueurs vont balader avec eux des meeples légions (3 max en se déplaçant) qui vont servir à pas mal de choses dans le jeu (nous venons en paix, pacification, tout ça). Vous pourrez construire des forts pendant la partie qui vous permettront de mobiliser des légions (poser des légions avec le fort). Les légions permettront de faire l'action de Combat. Pour cela vous lancerez un dé par légion dans le combat. Alors oui il y a des dés dans ce Pandémic. Et non ce n'est pas la première fois, Cthulhu en possédait déjà un, mais moins prégnant. Là c'est vraiment du dé de résolution de combat avec des pertes en cubes et/ou légions et l'activation d'une capacité de personnage. Les légions ont un autre atout : ils peuvent défendre une ville où un cube devrait être posé. La légion est sacrifiée et on ne pose pas le cube. C'est à double tranchant. De plus si des légions sans personnage ni fort avec eux subissent ce sort alors toutes les légions présentes disparaissent, une seule dans le cas inverse. C'est stratégiquement important.

Autre aspect historique : plus les révoltes s'accumulent, moins vous pourrez mobiliser de légions dans vos forts. Mais comme vous êtes sensé avoir forger des alliances avec de plus en plus de barbares, vous devriez pouvoir les enrôler de plus en plus facilement.

- Les actions : en dehors des actions classiques, nous retrouvons le combat, la mobilisation mais aussi l'enrôlement des barbares dans les légions. Très historique avec parallèlement la diminution de la mobilisation romaine à proprement parler. On retrouve ici une des raisons de la fin de la "romanitude" ayant certainement entrainée cette "chute" de Rome par l'intégration à outrance des barbares dans le tissu romain. Il suffira donc de jouer une carte de la couleur d'une tribu "alliée" pour transformer ses cubes en légions. Oui les "alliés" continuent à vous pourrir et peuvent même vous faire perdre la partie s'il le faut. Les alliances c'est sympa mais faut bien manger et puis sur un malentendu...

Donc globalement voilà pour l'adaptation de ce jeu iconique à une thématique historique et guerrière qui pourrait bien entrainer certains wargamers à Pandemic. Personnellement je trouve le jeu thématiquement justement très réussi. Ce n'est certainement pas un wargame mais ce jeu de plateau a vraiment intégré des mécaniques reflétant des réalités historiques. Et ça c'est vraiment un excellent point. Purement mécaniquement certains ajouts font que cette version est aussi plus riche avec quelques nouvelles options: les événements avec deux choix, les personnages avec des capacités uniques déclenchées par les dés et un vrai mode solo (à voir mais certainement adaptable aux autres titres). J'ai fait une seule partie solo et je me suis fait rouler dessus. C'est bon signe.

Les illustrations sont très réussies, particulièrement celles des événements...
... ce qui est relou par contre c'est qu'un soldat romain de cette période ressemblait plus à ça qu'au sempiternel légionnaire du 1er siècle! Les dégâts d'Hollywood et des stéréotypes...


Si le jeu est thématiquement bien adapté je ne suis par contre pas sûr que ce soit le titre le plus capable de continuer à surprendre à force de parties. Mais l'avenir le dira. Un seul indicateur : le nombre de parties jouées dans la durée.

Un jeu que je conseille fortement si le jeu coopératif vous titille mais que des thèmes médicaux vous rebutent. Ici, c'est l'Histoire! Juste en passant et pour en finir je vous conseille le dernier chapitre de Histoire des Guerres de l'Antiquité de John Warry; une douzaine de pages de lecture avant de sortir le jeu, pour les rappels historiques.

Arnaud

PS: je sais je n'écris pas une lettre mais PS quand même. A propos du matériel de jeu qui s'il est toujours aussi réussi graphiquement, ne s'améliore pas côté matériaux. J'en veux pour preuve ce plateau qui gondole beaucoup trop à mon goût. Trop léger? Temps de séchage non respecté? Un peu dommage de ce côté.












dimanche 11 décembre 2016

Days of Ire: Budapest 1956 - histoire d'une insurrection


« Nous le jurons, nous le jurons, que nous ne serons esclaves plus longtemps ! » 
Nemzeti dal (Chant national) - Sándor Petőfi 1848


Ce jeu qui est, pour moi, une des très bonnes surprises de cette année sera disponible en boutiques début 2017, probablement vers la fin janvier.

Il est donc grand temps de vous en parler d'autant que, cette semaine, j'ai enfin pu en faire une partie complète en mode compétitif.

Un peu d'histoire

L'après guerre

La prise de pouvoir progressive de l'URSS sur les autres pays du bloc de l'Est aboutit, en Hongrie, le 20 août 1949 avec la création de la République Populaire.

Déstalinisation

Imre Nagy (phot. Erich Lessing)

Avec la mort de Staline (5 mars 1953) et l'arrivée au pouvoir de Khrouchtchev s'engage un long processus de sortie du totalitarisme dont le premier effet, en Hongrie, est l'arrivée d'Imre Nagy comme premier ministre.
L'homme est un modéré, presque un dissident, il démarre une ambitieuse politique de réformes.

Manquant de soutien au sein du parti des travailleurs, malgré sa popularité, il est destitué en avril 1955 et la plupart de ses réformes sont annulées.

En février 1956 lors du congré du PC, Nikita Khrouchtchev présente son Rapport sur le culte de la personnalité.
Malgré son caractère confidentiel (présentation à huis clos devant les délégués soviétiques uniquement) ce rapport va fuiter et avoir un effet sur les pays satellites.

Ainsi, dès le mois de juin à Poznan (Pologne) les revendications ouvrières et les violentes émeutes qui s'ensuivent se concluent par le retour au pouvoir d'un dirigeant réformiste.

Insurrection

Time du 7 janv. 1957
Inspirées par l'exemple polonais, les organisations d'étudiants et d'intellectuels hongrois organisent une manifestation de soutien à Imre Nagy le 23 octobre 1956.

Ce sont des milliers de personnes qui marchent vers le parlement tandis que d'autres se réunissent au pied de la statue du général Josef Bem (au nom de l’amitié avec la Pologne) et qu'une délégation étudiante pénètre dans la radio nationale pour y diffuser ses revendications.

Cette dernière est arrêté. La foule réclame alors sa libération ce à quoi les forces de la police secrète répondent en ouvrant le feu.

La nouvelle va se répandre rapidement déclenchant le début des émeutes dans toute la ville et de la révolte dans tout le pays.

Combattante du passage Corvin

Le lendemain, la population brave le couvre feu afin de mettre en place des barricades et installer des garnisons à des points stratégiques, notamment au passage Corvin.
Ceci pour faire face à l'arrivée des chars soviétiques qui ont reçu l'ordre de pénétrer dans Budapest pendant la nuit.

Le gouvernement fini par tomber et Imre Nagy, désigné premier ministre le 28 octobre, forme un gouvernement pluripartite, obtient un cessez-le-feu et le retrait des troupes soviétiques et se lance dans un processus de démocratisation de la Hongrie.

Il n'a malheureusement pas le soutien des soviétiques. Pire, János Kádár (son ennemi politique) s'entend avec ces derniers pour fomenter un coup d'état.
L'armée sovétique entre donc en Hongrie à partir du 1er novembre et dans Budapest le 4.
Le mouvement populaire sera noyé dans le sang.

Conséquences

Pour les hongrois, la conséquence directe sera une terrible répression.
Plusieurs milliers d'entre eux seront arrêtés et jugés. Une grande majorité sera condamnée et 13 000 emprisonnés. Il y aura également plusieurs centaines d'exécutions ainsi que quelques centaines de déportations en Union Soviétique.
200 000 quitteront également le pays.

János Kádár prendra la tête du nouveau Parti socialiste ouvrier hongrois et la conservera jusqu'en 1988.
Tombe d'Imre Nagy
Il est à noter que, s'il a été l'instrument de l'Union Soviétique et bien qu'il ne remettra pas en cause la dictature du parti unique, il s'emploiera tout de même à libéraliser, dans une certaine mesure, le régime hongrois.

D'abord réfugié dans l'ambassade de Yougoslavie, Imre Nagy sera arrêté quelques semaines plus tard puis déporté en Roumanie.

Exécuté en 1958 à l'issu d'un « simulacre de procès » et enterré sous un faux nom, il sera finalement réhabilité par le parti en 1989 puis réinhumé et aura droit à des obsèques nationales.

Au niveau international, le principal effet de cette insurrection sera la prise de conscience des méfaits des régimes communistes, provoquant notamment des clivages dans les partis communistes d'Europe de l'Ouest.

Sources

Je n'ai surtout pas la prétention d'être historien et j'ai d'abord cherché à donner un maximum d'éléments permettant d'associer l'histoire et le matériel du jeu (que je compte décrire dans le prochain article).

Un peu de lecture sur le net m'a beaucoup aidé et voici quelques liens que vous pouvez consulter :
Quoi qu'il en soit, n'hésitez pas à me faire part de vos remarques.

lundi 5 décembre 2016

Black Orchestra: Hitler doit mourir!


Vous voilà au cœur du complot. 
Mais pas n'importe lequel. 
Celui qui osa tout tenter pour mettre fin à la vie d'un des plus grands dictateurs que le monde ait connu: Hitler lui-même. Le "Schwarze Kapelle" comme l'appelait la Gestapo était en effet majoritairement composé de militaires allemands combattant le nazisme. Et vous êtes l'un d'entre eux. 

 
Sept des neufs complotistes disponibles (les 2 autres sont déjà en jeu).
Black Orchestra est donc un jeu coopératif de 1 à 5 joueurs. Vous devrez assassiner Hitler avant qu'il ne soit trop tard. Le temps est représenté par 7 paquets de 10 cartes (deux sur les 12 disponibles étant retirées à chaque partie pour la rejouabilité). Une carte est tirée après que chaque joueur a fini son tour, révélant un évènement très souvent négatif pour les joueurs.

Mais pas toujours: un exemple d’évènement favorable
La carte représente une partie de l'Europe et une zone complète dédiée à Berlin. La majorité des villes/lieux de Berlin contiennent un item caché et une capacité spéciale (principalement pour diminuer sa suspicion mais j'y reviens). Les numéros sur les lieux indiquent quand les personnages peuvent s'y rendre: il correspond au numéro du paquet d’évènements en cours. Les lieux avec un 7 barré ne peuvent plus être visités lors du dernier paquet d'évènements.
 
La partie gauche de la carte
Les 8 types d'item qui permettent de booster sa tentative d'assassinat ou à utiliser pour gérer sa Suspicion.

Chaque joueur a deux niveaux primordiaux à gérer: 
- sa Motivation à aller jusqu'au bout de sa mission: il faut la maintenir élevée afin de pouvoir jouer une carte "Plot" et tenter d'assassiner Hitler. A partir de Positive la capacité spéciale du personnage peut être activée. 
- le niveau de Suspicion que lui porte la Gestapo: plus elle est élevée plus vous risquez l'arrestation mais aussi de voir votre tentative d'assassinat échouer.

Au début: pas très motivé mais quasi indétectable
Et comment on l'assassine le Führer? Il faut avoir en main une carte "Plot" et remplir les conditions pour la jouer: avoir une Motivation suffisante, remplir les conditions de la carte (être avec Hitler, quand il se déplace, etc) et lancer les dés. Pour réussir, le nombre de cibles devra être égal au niveau de support militaire d'Hitler en cours sans faire plus de symbole Aigle que requis par son niveau de Suspicion. C'est le côté Ameritrash du jeu: j'ai fait une tentative pendant ma partie à 4 dés pour faire 2 cibles... et échoué.

Pour une première partie en mode facile.
Deux exemples de Plot: les éléments optionnels permettent de lancer plus de dés.

Pour terminer de survoler les principes du jeu voici les actions qu'un joueur peut effectuer à son tour (3 par tour):
- Conspirer: très utile et original: chaque action dépensée permet de lancer un dé (jusqu'à 3 donc). Les cibles sont stockées sur une piste, lorsque 3 cibles sont collectées par les joueurs, elles sont dépensées pour soit augmenter la Motivation d'un personnage soit diminuer le support militaire d'Hitler. Chaque symbole aigle augmente de 1 le niveau de Suspicion du lanceur. Les valeurs sur les dés sont additionnées et donnent autant d'actions au joueur. A double tranchant mais indispensable et réalisable qu'une fois par tour.
- Se déplacer d'un espace
- Piocher une carte
- Jouer une carte
- Partager un item ou une carte avec un autre personnage
- Fouiller le lieu (révéler le pion face caché)
- Prendre l'item révélé sur le lieu
- Jouer l'item pour bénéficier de la capacité du lieu
- Délivrer un personnage emprisonné (car oui la Gestapo lance des Raids et arrête les personnages les plus suspects pour interrogatoire... et là, c'est compliqué!)
Le genre de cartes que vous pouvez piocher. En rouge les cartes qu'il faut défausser quand la Gestapo rôde

Alors quel retour de ma tentative en solo? Déjà oui le jeu peut très bien se jouer seul: tout est joué face visible, il suffit donc de prendre deux personnages. C'est un cas de figure présenté dans les règles. 

Comme souvent avec les jeux coopératifs on se laisse déborder par les évènements et les éléments du jeu, ne sachant quelle direction prendre pour optimiser ses actions. J'ai eu bien du mal à faire baisser le support militaire qui était fréquemment bloquer au max à 7. Autant dire qu'il est impossible de tenter quoique ce soit à ce niveau. Ensuite gérer les niveaux des personnages n'est pas aisé! Il faut monter sa Motivation sans cesse, beaucoup d'évènements la diminuant, et limiter au maximum sa Suspicion sous peine de finir dans les geôles nazies, franchement peu accueillantes.
Les évènements, qui amènent l'incertitude, permettent très souvent de déplacer le pion Hitler ou ses aides de camps (5 au total: Goebbels, Himmler, Hess, Goering et Bormann) qui pourrissent le personnage qui commence son tour sur le même lieu. Essentiel pour le chaos du jeu j'ai trouvé un poil fastidieux ces déplacements très fréquents.

Ciao Hess! Mais ce n'est pas gratuit, 3 cartes évènements en moins, donc moins de temps!

Comme je le disais ma seule tentative d'assassinat s'est soldée par un échec aux dés mais j'ai dû m'arrêter au paquet 5 faute de temps. Je pense que j'aurais eu bien du mal à provoquer d'autres tentatives. Le jeu est donc dur à gagner (pas à jouer, il s'agit d'un jeu que je situerais au niveau d'un Pandemic (très) amélioré) et c'est tant mieux. A mon avis certains joueurs vont détester lancer des dés dans un jeu d'optimisation d'actions et subir les évènements. La partie est bien scriptée sur l'Histoire, les évènements de chaque paquet étant chronologiques et très immersifs.

Pour ma part j'ai passé un bon moment mais je n'y rejouerai pas seul. Un jeu coopératif sans réelle coopération autour de la table? Certains jeux peuvent s'y prêter assez facilement mais j'attends vraiment d'échanger avec les autres complotistes autour de la table. Les parties risquent d'être mouvementées! En plus le jeu permet quelques interactions intéressantes entre les joueurs, ce qui est un gros plus.

La situation à la fin de ma partie (milieu du paquet 5): un personnage en prison, un autre qui l'évite de justesse et un Hitler peut supporté mais bien vivant
Je pense donc que voilà un jeu aux qualités multiples: facile d'accès mais suffisamment riche pour développer un thème omniprésent, une qualité de matériel et de graphisme totalement immersive (c'est vraiment très beau!) et un vrai challenge pour gagner. Je le conseille donc à tout ceux dont le thème et ce type de mécanique peuvent plaire ou qui souhaitent se plonger dans la peau de Tom Cruise en Claus von Stauffenberg dans Walkyrie!

Arnaud


dimanche 6 novembre 2016

Après Essen il faut ouvrir les boites


Comme tous les ans à la mi octobre ont eu lieu à Essen, les Internationale Spieltage (journées internationales du jeu si je ne me trompe pas).
Et, comme tous les ans, ils s'ensuit la nécessité d'ouvrir de nombreuses boites.

Voici donc un "open the box" de quelques uns des jeux que j'ai rapportés cette année.

Dimicatio oblige je commencerai par ceux au thème historique avant de passer à ceux qui correspondent plus à ma marotte personnelle.

Germania Magna

Pour être honnête, je serais complètement passé à côté de ce jeu, si Arnaud ne me l'avait pas recommandé.
J'ai donc participé à la campagne de financement et profité de la possibilité de le récupérer pendant le salon.


Le matériel de compose de :
  • 2 paquets de cartes
  • 15 cartes de provinces et 4 cartes de score grand format
  • 2 planches de pions (butin et marqueurs de score)
  • 1 épais livret de règles en anglais
  • 2 dés standard en plastique rouges (les dés en bois visibles sur la photo sont disponibles séparément).

La boite est de petite taille (à peine 10 x 20 cm) et ne contient ni insert en carton, ni thermo formé.
Ce n'est pas plus mal puisqu'il s'agit d'un jeu de cartes et que, bien souvent, une fois celles-ci protégées on n'a d'autre choix que de jeter les compartiments intérieurs.

Et puisqu'on parle de protection, les cartes sont de bonne qualité sans que ce soit exceptionnel.
Les bords étant intégralement noirs, il sera nécessaire de les protéger rapidement.
Leur format (58 x 89 mm) impose malheureusement le choix des protections "Chimera" de chez Mayday.

L'épaisseur du livret de règles peut faire peur mais les règles proprement dites tiennent sur une dizaine de pages.
Le reste du livret est occupé par un glossaire, un exemple de tour de jeu très détaillé et largement illustré, des règles optionnelles et des notes historiques.

Days of Ire

Encore un jeu qui a été lancé sur Kickstarter et que nous avons eu la chance de récupérer à Essen (sa sortie étant officiellement prévue pour janvier prochain).

J'avais été immédiatement convaincu par le jeu au lancement de la campagne, les règles étaient abouties, le jeu quasiment fini et les créateurs promettait peu de paliers susceptibles de remettre en cause le planning.

La lecture des règles à mi chemin entre Twilight Struggle et Pandémie (mais nous en reparlerons prochainement) avait confirmé cette bonne impression et j'attendais donc avec impatience de poser les mains dessus.


La boite au format Pandémie est assez lourde, ce qui n'a rien de surprenant puisqu'on y découvre :
  • 3 livrets : le premier pour le setup, les notes historiques et la description des différents événements, un autre pour les règles de jeu en mode "Zhukof" (coopératif pour 1 à 4 joueurs) et le dernier pour la règle du jeu en mode "Conflict" (1 joueur "Soviet commander" contre 1 à 3 joueurs révolutionnaires).
  • 1 épais plateau à 6 pans (personnellement je n'aime pas beaucoup ce format mais ce plateau est trop grand pour être plié en 4)
  • 2 planches de pions
  • 3 paquets de cartes (plus quelques cartes exclusives de la versions Kickstarter)
  • 2 dés et 3 gouttes de verre (à utiliser comme marqueurs de tours, de support et de moral)
Les cartes sont de très bonne qualité (Linen finish !) et les bords sont blancs.
Pour les maniaques comme moi qui souhaitent les protéger, elles mesurent 58 x 90 mm et se glissent donc exactement dans des Chimera.

La seule ombre au tableau vient des planches de pions assez difficiles à dépuncher ce qui m'a valu d’abîmer 2 ou 3 pions.

Mythos Tales

Ouf, j'ai bien failli être en manque de tentacules !

Il s'agit de la version commerciale d'Arkham Investigator, un jeu initialement publié par son auteur en print'n play et qui reprend le concept de Sherlock Holmes détective conseil en le transposant à Arkham dans les années 1930.


Le contenu de la boite (d'excellente qualité au demeurant) n'a donc rien d'exceptionnel si on a déjà joué à SHDC :
  • Une carte d'Arkham de très bonne qualité, plus grande (presque 50 x 70 cm) et bien plus lisible que celle de SHDC
  • Un livre relié contenant les huit enquêtes, ici avec une couverture dure, il s'agit de la version Kickstarter
  • L'annuaire d'Arkham
  • 8 journaux d'une page chacun imprimés 2 par 2, soit 4 feuilles
  • 1 livret de quelques pages qui contient la règle du jeu
  • Un tableau et quelques pions utilisés pour la gestion du temps
  • Un paquet de cartes d'objectifs numérotés
  • Un livret vierge pour prendre des notes
  • Un feuillet de présentation avec une série de questions énigmatiques
  • Un marque page
  • Un livret avec un scénario supplémentaire pour la version KS
L'ensemble du matériel est de très bonne facture et joliment illustré à l'exception des journaux qui sont petits, serrés et surtout imprimés sur un papier blanc brillant qui donne un rendu assez moche.

London Dread

Autre jeu que j'attendais depuis longtemps. Depuis un an en fait puisque j'avais eu l'occasion de le tester à Essen en 2015.

Et l'attente en valait la peine, jugez plutôt.


Au menu :
  • Un grand plateau (54 x 71 cm) à 6 pans qui se replie en accordéon donc bien plus facilement que celui de Days of Ire
  • 4 "pendules" de programmation pour les joueurs
  • un livret de règles et un livret pour les scénarios
  • quatre planches de pions divers
  • des dés gravés (1 dé de perte et 16 dés d'action)
  • plusieurs paquets de cartes (dont des cartes correctrices)
  • 4 socles et quelques pions en bois
Les cartes sont de bonne qualité avec une finition toilée et ne sont pas destinées à être mélangées plusieurs fois par partie.
Il n'est donc pas absolument nécessaire de les protéger. Toutefois si on veut le faire, elles sont au format Magic, on trouvera sans problème des protections.

A noter au passage que la boite contient un insert thermo formé plutôt bien fait.
Si en profondeur il accueillera sans problème des cartes protégées, il n'en va pas de même en largeur, surtout dans le fond des compartiments (mais on pourra toujours mettre les pions sous les cartes).

Les pions sont d'excellente qualité et se retirent des planches sans aucune difficulté, les pions en bois et les dés gravés de couleur ivoire n'ont rien d'exceptionnels mais s'accordent parfaitement avec la charte graphique du jeu.
Le plateau, bien que monochrome est très réussi et il attire l’œil et donne tout autant envie de jouer que la couverture de la boite (constat fait aux Utopiales cette année où j'avais apporté le jeu pour la soirée ludique).

Du très beau matériel pour un très bon jeu, difficile et addictif, mais j'en reparlerai probablement.

Voilà, je vous épargne la douzaine d'autres jeux que j'ai rapportés et qui sont déjà largement chroniqués ailleurs sur le web.

Jean-Christian

samedi 29 octobre 2016

Far East War 1592: l'autre guerre de Corée





En 1592, le régent japonais Toyotomi Hideyoshi révéla sa grande ambition de conquête de la Chine (Dynastie Ming). Sa proposition à la Corée (Dynastie Choson) de traverser son territoire fut refusée et ainsi débuta la Guerre d’Imjin.

Voici donc le contexte historique de ce tout nouveau jeu édité par Imjin Creative dont c’est le premier jeu. Issu d’une campagne Kickstarter un peu poussive, l’éditeur avait malgré tout inclut de lui-même tous les stretch goals proposés, sans que les paliers soient atteint… un fait rare ! A savoir que ce jeu a déjà eu une vie en version chinoise depuis le début de cette année.

Nous sommes face à ce que nous appelons de plus en plus souvent un warteau, un jeu de plateau guerrier et historique. Le matériel est simplement somptueux : une carte en dur claire et agréable, des pions en bois pour les unités, du carton pour les chefs et les marqueurs, les cartes de très bonne qualité (à noter que chaque camp conserve un même illustrateur. Ils sont assez différents mais créent une unité graphique dans chaque armée), des dés en bois custom superbes, des règles de jeu tout en couleur. Même les bourses en tissu sont d’une qualité bien au-dessus de l’habituel. Bref, côté matériel, il n’y a pas vol!

La lecture des règles est agréable et ne laisse apparemment pas d’interrogations ou de points litigieux. Après elles sont courtes et le jeu est simple donc elles se devaient au moins d’être de ce niveau. Le nombre d’exemples est par contre suffisamment important pour être noté.

Passons à la mise en place, très simple grâce au livret de règles qui propose un setup graphique. Voilà ce que ça donne:

Pour 2 joueurs (les barrettes jaunes et rouges ne devraient pas y être)
Pour 4 joueurs
A 4 joueurs chaque camp joue une des deux factions: Ming/Corée contre Kato/Konishi pour les Japonais. Les pions en bois d'unités sont donc recto-verso selon que vous jouiez à deux ou quatre joueurs.

En fin de setup chaque camp doit choisir 8 chefs parmi ceux disponibles et en sélectionner 2 qui commenceront la partie en jeu. Chaque chef a une capacité spéciale unique en combat, lorsque son armée attaque ou défend. 

Certains auront déjà remarqué le disque d'action en haut à gauche du plateau. Il s'agit bien du même type de système d'activation que l'on retrouve dans certains jeux à l'allemande, comme dans Antike par exemple.


Le principe: à son tour le joueur choisit soit d'avancer son marqueur d'une ou deux sections sans coût ou de trois en payant 8 Supply Points (SP). A chaque fois que le marqueur d'un joueur passe par un "Event", une carte d'évènement est révélée et appliquée. C'est d’ailleurs ce paquet de cartes d’évènements qui détermine la durée de la partie aléatoirement.

Les actions possibles sont:

- Production/Généraux: Collecter les SP de toutes les régions contrôlées (les barils sur la carte), il est ensuite possible de déployer, retirer ou échanger des généraux.
- Recruter/Regrouper: le joueur peut acheter des unités avec ses SP. Les armées ne peuvent pas contenir plus de 4 unités et pas plus de 2 armées ne peuvent se trouver dans une même région. Il peut alors réorganiser ses unités entre ses armées partout où il a acheté au moins une unité.
- Mouvement/Combat: Les mouvements sont simples et coûtent là encore des SP. Suivent les combats, eux aussi forts simples:
 

Dans cet exemple: le joueur Ming/Coréen attaque le joueur japonais au Wes Gangwon-Do et place pour le matérialiser une barrette rouge. Les deux barrettes jaunes indiquent le support apportés par les deux unités adjacentes (qui ne pourront faire que cela ce tour). Ces barrettes sont très pratiques pour savoir qui a fait quoi et où. L'attaquant bénéficient d'autant de dés que son armée en attaque (ici 2 dés) plus 1 dé par armée en support (ici un total de 4 dés). Le défenseur reçoit autant de dés que d'unités (soit ici 2 dés). Le joueur doit également payer 1 SP pour chaque unité qui attaque: rien n'est gratuit!

Chaque joueur lance simultanément les dés pouvant infliger des pertes, blesser un chef présent dans la bataille, voler des SP de l'adversaire ou tout simplement... rien. 

A chaque perte sur un chef celui-ci se décale d'une blessure sur ce display. Lorsqu'il a reçu autant de pertes que sa résistance: adieu!
A noter que les combats peuvent être terrestres ou navals avec des règles très légèrement différentes.

Et pour finir les conditions de victoire: vous verrez sur la carte des zones aux écritures rouges, ce sont celles que doit contrôler l'ennemi pour gagner immédiatement la partie (3 régions terrestres pour le Japonais, 2 régions navales pour le Coréen). Si la partie dure jusqu'à la fin, le joueur contrôlant le plus de régions a gagné. Simple.

Voilà donc, vous connaissez maintenant les grandes lignes de ce magnifique jeu aux règles simples et au thème très exotique, pour nous européens. Reste à voir si le jeu tient ses promesses lors d'une première partie.

Arnaud

jeudi 20 octobre 2016

Martin Wallace dans les étoiles


Et voilà, Essen 2016, c'est fini! Alors que j'ai le plus grand mal à trouver le temps de jouer dans le tourbillon du train-train de la vie quotidienne, j'ai pu, ou plutôt su, m'aménager le temps et les conditions nécessaires à ce troisième voyage à ce grand Messe d'Essen.


Il parait que les 6 voyageurs de notre Essenmobile ont été raisonnables côté achats cette année. Quand on voit le coffre de la bête et son intérieur au retour, on peut quand même en douter!

Mais qu’importe finalement puisque le premier but de cette grande virée annuelle reste à mon sens la recherche d'une immersion ludique total et de l'arrêt momentané de ce fameux train-train.

En ce sens Essen remplit toujours son attente.

Au-delà des jeux découverts sur le salon (et encore nombre d'entre eux avaient déjà été passés à la loupe: de leurs règles, photos de matériel ou autres commentaires suite à la GenCon), il s'est vraiment agit cette année d'aller récupérer les fameux "Essen pickups" des Kickstarters passés. Finalement la part du lion cette année pour moi. Pas sûr pour autant que cela se renouvelle tant cela ne me laisse pas forcément une bonne impression (mais laissons-là la relation de ma vie ludique et le crowdfunding).



Voici donc étalées, les boites des quelques 21 jeux et extensions ramenés du salon. Certains seront, plus ou moins bientôt, détaillés ici. Je commencerai avec Far East War 1592 qui me plait par bien des aspects et principalement, peut-être, car il s'agit de l'un des très rares jeux historiques du salon.

Voilà pour cette longue introduction m'amenant au sujet qui m'intéresse finalement ici: le prochain jeu de M. Martin Wallace. Oui un nouveau jeu de Wallace est toujours un évènement. Quoique beaucoup moins depuis qu'il se fait publier par des éditeurs ubber-mainstream comme les Space Cowboys (ce qui n'est pas forcément un mal, j'apprécie beaucoup Hit Z Road. Beaucoup moins Via Nebula!). 
Du coup cela reste un évènement lorsque l'auteur himself et en personne nous explique ce qui doit être l'ultime production de sa maison d'édition (Treefrog Games), à savoir A Handful of Stars.

Bon alors déjà: quelle couv'! Mon petit cœur de fan de SF est tout ému. C'est beau et on ne peut plus qu'aller voir plus loin!

AHoS est un jeu de conquêtes spatiales à base de deck building. Comme Mythotopia l'est (ou a essayé de l'être) pour le medfan.

Le setup est très dynamique, tout un tas de planètes (jamais à la même place donc) génèrent des trous noirs (impassables) entre certaines d'entre elles (jamais au même endroit non plus du coup). Il y a deux types de planètes: inhabitables où l'on ne peut guère plus qu'y construire des avant-postes, et habitables que l'on peut donc coloniser et où l'on peut construire de nouvelles flottes de vaisseaux (pratiques pour taper le voisin avant qu'il n'en fasse autant). Le système de combat reprend celui de A Few Acres of Snow sauf qu'une bataille se résout immédiatement au lieu de durer de tour en tour.

L'exemplaire de démo en prototype
Le véritable intérêt réside plutôt dans le système de deck building. Chaque joueur commence avec le même set de cartes de base ainsi que certaines déterminées par la race jouée, tirée au hasard avant de commencer. Chaque race est très différente et leurs cartes typent bien le style de jeu.

A handful of cards
Il y a 4 ressources différentes dans le jeu permettant (seules ou combinées) de réaliser les diverses actions du jeu: coloniser, créer des avant-postes, construire des vaisseaux, acheter des technologies (des cartes, les seules disponibles pour faire évoluer le deck de départ, en dehors des cartes des lieux contrôlés), déplacer des vaisseaux (et donc combattre) et renforcer les combats (j'en oublie peut-être mais ça ne me revient pas).



Un plateau de joueur
Plateau de joueur très important puisqu'il montre à gauche de la pioche une réserve qui peut contenir basiquement 2 cartes de n'importe quel type qui se comportent comme si elles étaient en main, sans compter dans le limite de main, et à droite une deuxième réserve destinée à des cartes ne pouvant fonctionner qu'en y étant placées. Une mécanique très maline qui demande de l'anticipation et du doigtée! 
Le jeu utilise également des marqueurs de capacités spéciales que l'on pioche à chaque fois qu'une race colonise une planète. On peut donc même encore faire des actions sans avoir de cartes en main!

Les cartes, presque définitives, que je trouve très réussies (qui a dit, pour un jeu Treefrog??)
J'ai beaucoup aimé l'idée de la durée de partie: à chaque fois qu'un joueur à terminer son deck et doit le rebrasser, on avance le marqueur sur la piste que l'on voit juste au-dessus. Selon le nombre de joueurs, la partie se termine à un moment déterminé. Plus on a de cartes, moins on brasse, plus la partie dure! Malin.

Les impressions? Tester un multijoueurs de Wallace le dernier jour du salon à 10h00 du matin me paraissait à priori carrément une douleur. Il n'en fut rien. Je pense qu'à la fois les qualités d'explication de M Wallace et la qualité du jeu nous ont tous bien réveillés! Notre démo a duré une heure pendant laquelle nous avons dû pouvoir faire chacun 5 ou 6 tours de jeu après les explications (enfin quand le gars Martin ne joue pas à votre place!). Mon sentiment est clair: bien que se contentant de faire du Wallace, je pense qu'il pourrait enfin s'agir du vrai multijoueur deck-building qui va fonctionner et plaire! Je n'avais pas du tout aimé Mythotopia, brouillon, inutilement brain-burner, aux conditions de victoire moisies. On retrouve ici les mêmes intentions mais là je sens que ça fonctionne et ça fait du bien! Car quand on aime cette mécanique découverte avec A Few Acres of Snow (un vrai jeu de plateau avec du deck-building dedans!) je pense qu'on ne peut qu'aimer ce A Handful of Stars!

Personnellement je suis donc d'ores et déjà à l’affut de l'annonce du début de la précommande du jeu, prévue pour novembre.

Arnaud

PS: n'oubliez pas que vous pouvez suivre Dimicatio sur Facebook: https://www.facebook.com/dimicatio/

PPS: pour le plaisir:

La petite bande devant le maitre!

vendredi 19 février 2016

Race to Berlin sur la table


Race to Berlin (des Polonais de Leonardo Games est un jeu acheté à Essen l'année dernière et que j'ai pu jouer pour la première fois voilà seulement une semaine. Il s'agit d'ailleurs du seul jeu à thème historique ramené du salon, tant cette denrée est rare. Cela n'en fait pas pour autant un wargame mais ce qui l'est de bon ton d'appeler depuis quelques temps un warteau. Et finalement voilà très exactement ce qu'il est: un jeu de plateau avec des mécaniques simples et originales servant un thème tout à fait bien rendu.
Même si je n'y ai jamais joué le jeu partage un concept fort avec Race for Berlin: The Final Struggle paru dans le Battles Magazine #4 en 2010: chaque camp contrôle les armées alliées ou russes et en même temps les armées allemandes acculées faisant face à leur adversaire. Le joueur russe contrôle donc l'armée russe et l'armée allemande du font ouest et vice versa. Je pense que la comparaison entre les deux jeux doit s'arrêter quelque part par là.

Dans Race to Berlin chaque camp contrôle au moins une armée dans chacune des zones de son bord de carte en début de partie. A chaque début de tour (il y en a trois dans le jeu), les joueurs vont alterner le placement de leurs blocs logistiques dont les valeurs restent cachées de l'adversaire. Bien entendu il y a bien plus de zones que de blocs. Il va falloir choisir. Ces blocs logistiques permettent aux armées présentes dans leurs zones d'attaquer et de défendre. La valeur d'un bloc correspond au nombre de cubes d'action qu'ils peuvent engendrer avant d'être épuisée ainsi que sa puissance au combat. Chaque cube d'action permet d'attaquer (pour un cube ou deux si on veut doubler la valeur du bloc) ou défendre (pour un cube). Il va donc falloir gérer au mieux le choix des actions mais peut-être avec encore plus de soins leur timing. Une zone de ravitaillement attaquée par les Allemands peut faire perdre définitivement des cubes action au joueur visé. Un joueur ne pouvant pas payer une perte de cube d'action a immédiatement perdu, ne pouvant plus supporter l'effort de guerre. Une autre façon de gagner consiste à prendre le cœur de Berlin.

Autre idée bien sympathique et pleine de sens veut que le front soit matérialisé par les barrettes de couleur. Qu'un joueur étende trop son front et ne puisse pas poser suffisamment de barrettes pour le matérialiser et celui-ci ne pourra tout simplement pas le faire. Logistique mon cher Watson! Le jeu fait donc la part belle à la dimension logistique au service des armes plutôt que de la cantonner à son rôle plutôt habituel de support. Là il s'agit du cœur de la mécanique du jeu.

Quelque part pendant le premier tour
Fin du deuxième tour, les fronts s'étirent
Presque fin du 3e tour puisque les Alliés concèderont la partie devant les Russes encerclant Berlin.
On voit bien sur ces photos l'avancée des fronts, que je trouve esthétiquement et immersivement très réussie.

Voilà donc pour ce rapide tour d'horizon de ce Battle to Berlin qui il faut le dire m'a laissé (ainsi qu'à mon adversaire) une excellente impression. On fait la guerre de façon originale, c'est frais et c'est bon. De plus je trouve le matériel très réussi ce qui ne gache rien. Seules les règles auraient mérité un peu plus d'attention, mais sans gravité.

Un jeu que je recommande assez chaudement à ceux qui, comme moi, apprécie les jeux historiques originaux, accessibles et faciles à terminer en une soirée.

Arnaud