On retient très souvent de l'histoire de la Grèce sa glorieuse période antique au détriment de toute autre. Nous voici donc loin des sentiers ludiques battus puisque nous sommes en 1825, en plein milieu de la guerre d'indépendance de la Grèce face à l'Empire ottoman, pour le troisième siège de la ville de Missolonghi.
Phalanx revient donc sur Kickstarter avec un jeu au thème aussi original qu'obscur, pour l'immense majorité d'entre nous j'en suis sûr. Après plusieurs très bons projets financés de cette façon (dont l'excellent Hannibal), Phalanx fait donc là le pari de l'originalité, mais aussi du cœur, puisque ce projet ne peut être que celui d'un éditeur passionné et intransigeant.
J'ai donc eu la chance (pour une fois) de bénéficier d'un exemplaire du prototype du jeu afin de vous en révéler quelques principes et mon opinion.
Freedom est donc un jeu de siège. Bon nombre de jeux se tentent à l'exercice, avec plus ou moins de bonheur, souvent moins d'ailleurs, tant il est périlleux. J'avoue avoir toujours beaucoup aimé l'idée de la simulation d'assauts de murailles imprenables!
Petit tour tout d'abord du plateau de jeu. L'aire de jeu est divisée en 4 parties distinctes : la ville et ses alentours terrestres et maritimes (là ou se passe l'action), la région entourant Missolonghi et deux zones de joueurs.
La ville est divisée en zones de remparts de deux types: remparts classiques et forts, les seconds étant mieux protégés des assauts ennemis. Vient ensuite la ville entourée de zones côtières puis de la côte elle-même et enfin des 3 îles entourant la ville, avec leurs propres zones défensives. Devant les remparts le terrain est divisé en 4 lignes constituées de zones accueillant les unités de l'Empire et de son camp, zone la plus éloignée. Le joueur impérial gagnera s'il occupe un fort ou une zone méridionale de la ville. Il va donc soit percer les murailles et passer, ou contourner par les îles.
La partie régionale de la carte inclut des zones que les joueurs vont tenter de contrôler afin de gagner les bonus de chaque zone à la fin des 6 tours que compte la partie. La logistique, en somme.
Le jeu est piloté par les cartes d'une façon assez classique (surtout quand on y est habitué, bien sûr) : chaque carte comporte un évènement soit impérial, soit insurgé, soit neutre et une valeur en point d'actions à dépenser de différentes façons selon le camp : mouvements, achat de canons, attaques, raid, réparation des murs, entraînement des civiles, support logistique, diplomatie, etc. Freedom est clairement un jeu asymétrique par essence. Les actions communes aux deux camps ne s'effectuent que rarement de la même façon et nombre sont celles uniques à l'un ou l'autre camp.
Concernant le jeu des événements j'avoue avoir beaucoup apprécié le petit twist proposé par Freedom: lorsque vous jouez une carte d’événement adverse pour ces points d'actions, votre opposant pourra le round suivant l'utiliser à condition de se défausser d'une de ses cartes en main. Carte dont l'événement ne pourra lui pas être joué par l'adversaire. On pourra ainsi se débarrasser de cartes de l'adversaire en les jouant au bon moment. J'aime beaucoup cette option, qui rend à mon sens supérieure la stratégie de gestion de main de cartes à un Twilight Struggle par exemple.
Une bien belle main insurgée :-) |
Le tour de jeu lui, est plutôt classique, bien que malin.
Chaque tour de jeu, représentant 2 mois de siège, est divisé en 5 phases:
1/ Administration : où l'on pioche des cartes
2/ Ouverture : qui permet au joueur impérial de déplacer gratuitement 5 unités et 1 pour les insurgés. Ne comptez donc pas sur un jeu statique.
3/ Actions : où l'on joue nos cartes, pour les points d'actions ou les événéments.
4/ Canons : où tous les canons engagés dans le siège font feu. L'Empire DOIT s'équiper, sans canon, pas de brèches dans les murs, sans brèche, pas d'assaut!
5/ Réapprovisionnement : une des phases les plus structurantes du tour. Chaque camp devra payer ses troupes (et civils) en Or et Nourriture. C'est là principalement où vous comprenez tout l'intérêt du contrôle des zones avoisinantes qui offrent le ravitaillement.
Les fameuses zones à contrôler. Elles rapportent nourriture, moral, unités et canons à chaque tour! |
Côté combat, tout se gère au dé à 8 faces, avec des possibilités différentes selon, encore une fois, le camp : une attaque impériale sur les remparts se fait en lançant 2d8 et touche sur un 8, une attaque insurgée vers le bas des remparts se fait en lançant un 1d8 et touche sur un résultat de 6 à 8. Différents bonus/malus viennent ensuite réguler les situations de combat. Toujours dans l'asymétrie.
Les Égyptiens, alliés des Ottomans, sur les remparts! Ils n'arriveront cependant jamais à exploiter cette avancée! |
Une partie de Freedom! est composée de 2 temps: les 3 premiers tours avec un premier paquet de cartes et les 3 derniers avec un autre paquet et des cartes très différentes, prenant notamment en compte l'arrivée des alliés égyptiens des Ottomans.
Alors comment gagne-t-on allez-vous me dire? Très simplement : en plus de devoir prendre le contrôle d'un fort ou d'une zone du sud de la ville, la partie peut prendre fin avec la victoire d'un camp dès que son adversaire atteint 0 moral. Ce qui peut arriver assez facilement en n'étant pas assez attentif, puisque chaque fois qu'une zone est vidée d'unités au combat, vous perdez 1 moral ou votre adversaire gagne 1 moral.
Situation en fin de partie: les deux camps ont flirté avec le 0 moral, l'Empire est sur les remparts mais n'a pas pu prendre un fort adjacent. Une victoire insurgée sur le fil ! |
CONCLUSION ?
Je n'ai pu faire qu'une partie mais elle fut à la hauteur de mes attentes après la lecture des règles (simples et claires, même si certains points restent à être précisés mais ce sera bien entendu fait d'ici la sortie du jeu). J'ai vraiment aimé les différents niveaux de jeu : se ruer à l'attaque ou prendre le contrôle d'une zone offrant un gros bonus? Attaquer frontalement ou contourner par les îles? Garder un bon moral ou faire dangereusement descendre celui de l'adversaire? Utiliser cette satanée carte à 4 points d'actions mais à l'événement ennemi? Maintenant ou plus tard? Entraîner des civils ou construire des canons? Chaque choix de carte et d'action est agonisant. Le jeu ne laisse que peu de temps mort, chaque décision étant suivie de conséquences immédiates. L'imbrication combat/logistique est très bien et simplement rendue, ce qui est rare dans un jeu.
N'oublions pas bien sûr un excellent traitement graphique. Les illustrations des cartes sont magnifiques et le plateau original, avec sa vue "en relief". Un vrai plaisir pour les yeux.
Freedom! fait partie de ces jeux dont on apprend l'Histoire en y jouant. Une des raisons qui me font jouer des wargames depuis bientôt 30 ans. Vous ne pourrez pas ne pas vous interroger sur ce siège et ce conflit après y avoir joué. Un indispensable donc pour un jeu tombant pile dans ma catégorie de prédilection, le warteau.
A noter que ce siège n'est d'ailleurs peut-être pas si inconnu que cela quand on sait que le grand Lord Byron y décèdera en étant venu aider les Hellènes!
LA CAMPAGNE KICKSTARTER
Il ne reste à ce jour que 3 jours avant la fin de la campagne Kickstarter de Freedom! qui vient à peine d'être financée. N'hésitez pas à soutenir ce jeu. Pour l'audace de son thème. Pour un éditeur qui en veut. Tout simplement pour un jeu beau et réussi !
Et une évolution importante du jeu dernièrement puisqu'un mode solo est désormais disponible (gratuitement pour les contributeurs!).
Ça se passe ici, foncez avant qu'il ne soit trop tard!
CAMPAGNE KICKSTARTER DE FREEDOM!
Arnaud