dimanche 30 mars 2014

[Le Panthéon des CR] PAX ROMANA : Les Six Tours de Carthage


Il y a des moments de lecture dans notre hobby que l'on se doit de mettre sous le feu des projecteurs. Sans conteste ce compte rendu de partie de Pax Romana de GMT Games en fait partie. C'est donc avec un immense plaisir que je laisse le clavier à Jérôme aka lefmart pour publier ici son CR, que vous pouvez déjà lire dans les pages du forum Strategikon. D'autres viendront peut-être enrichir ce "Panthéon des CR". Espérant que, comme pour certains, ce CR donne envie de pratiquer ce jeu qui le mérite.
Arnaud


Chers lecteurs, nous avons le plaisir et l'avantage de vous proposer ce soir, en avant première et en Technicolor, le récit de la partie de Pax Romana jouée lors du 22ème Bruniquel.
Dotée d'un casting de qualité, la partie a bénéficié d'une couverture internationale puisqu'elle a été adaptée à Hollywood sous le titre de :
Staring


 
 BobMorane Est



 



Grimbou Grec

 




 Eludus (aka the Invisible Man) Rome



  and

Lefmart Carthage





Le thème du sujet, comme le titre l'indique, est la montée en puissance de la République Romaine, au long des 250 années de son existence.
Le jeu débute en 280 avant JC. Des Diadoques, il ne reste plus que Ptolémée en Egypte. Un autre Ptolémée règne en Macédoine. A Rome, les consuls se succèdent les uns après les autres pour diriger la République. Enfin Carthage est dirigée par le conseil des Anciens.

Une vue de la carte avec la situation de départ:


Le jeu utilise un système de tirage de jetons pour déterminer l'ordre d'activation des forces. Les actions possibles se résument globalement à trois choix:
- urbaniser ses provinces pour gagner de l'argent plus tard
- dépenser son argent pour lever des troupes
- envahir le voisin pour l'empêcher de gagner de l'argent plus tard.

Sur ce schéma en apparence simple viennent se greffer moult évènements pénibles qui viennent gripper même les mécaniques bien huilées. Car la vie n'était pas simple à l'époque. Nous allons vous en narrer le déroulement

Tour 1

Au premier tour de jeu, le joueur Grec dispose de l'armée du roi mercenaire Pyrrhus. L'Epirote est un des meilleurs généraux du jeu et son armée est nombreuse. N'étant pas obligé de respecter le cheminement historique, le Grec hésite. C'est l'occasion pour les trois autre joueurs de le noyer sous de sages conseils: "Attaque mon voisin, il ne t'aime pas, alors que moi, je suis ton ami pour la vie..." "Il ment, j'étais ton ami en premier".
Méprisant ces propos dignes d'un entre-deux tours d'une municipale, Grimbou se saisit de la pile noire (il y a un pro-Pyrrhus bias) d'une main ferme et la pose sur la colonie romaine de Capoue. Soupir de soulagement carthaginois et égyptien ...

Le Romain décide d'intercepter les Epirotes, tout en grommelant des propos péjoratifs sur la virilité grecque. Deux légions consulaires se rangent devant Capoue. Malheureusement, les deux consuls présents n'arrivent pas à coordonner leurs actions (comment, c'est moi qui commande aujourd'hui? M...., j'étais pas au courant, on va encore en prendre une!). Quand la poussière se disperse, les Romains ont perdu deux légions et la ville.


A son tour de jouer, l'Est fait entrer Séleucos en jeu. Arrivant des terres autrefois perses, il se déplace avec une armée nombreuse et les trésors des satrapes des Indes. Il installe des troupes en Cilicie et en Cappadoce.

Le joueur Carthaginois adresse une missive compatissante au sénat romain et explique qu'il va prendre en compte la pacification de l'île de Sicile, étant donné que les Romains sont occupés... La ville de Messine est débarrassée des mercenaires mamertins qui l'occupaient illégalement. Apparemment, il y aurait une divergence entre le droit romain et le droit carthaginois sur la propriété de la ville mais une offrande carthaginoise à Poutinos, dieu des annexions surprises, devrait régler le différent. Une ville est édifiée à Panormos.

Enfin, Rome décide de lever des troupes pour laver l'affront épirote. Trois légions sont levées, les troupes défilent sur le champ de Mars, le menton fièrement dressé vers Capoue.

L'Est décide de progresser toujours plus loin en Asie Mineure et entre en Lycie.

Le Grec fronce les sourcils à la vue de ce périple et décide de recruter en Asie.

A Rome, on décide finalement de ne pas reprendre Capoue. Le sénateur romain Omnibus Aérobus déclare: "ils sont forts et nombreux, attaquons plutôt les barbares du Nord, qui sont faibles et dispersés". Sous les quolibets des autres joueurs, Eludus dirige ses fiers guerriers en Norique et s'attaque aux Brigantes. Les villes de Parma et Bovanium sont fondées.

A Carthage, on recrute aussi. Une force de paix pour un monde meilleur (et carthaginois ) assure t'on au Conseil.

Rome poursuit son expansion au Nord et "civilise" la Pannonie et la Dacie à coups de glaives.


Après les Mamertins, les Espagnols sont les grands gagnants du jeu concours: "Gagnez la nationalité carthaginoise". L'intégralité de l'armée punique débarque sur les côtes est de l'Ibérie. Malacca et Olbia (en Corsica) sont fondées .

A Alexandrie, Ptolémée apprend que son bon peuple l'aime et le trouve beau (évènement +2 en Stabilité). Du coup, il décide d'envahir la Lybie, pif pouf, comme ça pour voir. Le Carthaginois lui fait remarquer que ce n'est pas très sympa, étant donné que toute l'armée punique est en Espagne mais ces arguments raisonnables ne semblent pas toucher le joueur Est.

Comme vous le dira tout joueur du front russe, une grosse pile de pions noirs avec des valeurs pas avouables, ça brule les doigts. Avec un rire hystérique, Grimbou craque et lance Pyrrhus sur Rome. Las, les dieux ont changé de camp et cette fois-ci, le mercenaire rentre à Capoue la queue basse et son armée réduite. Vexé, il s'enferme dans la ville et succombe à ses délices.

A Carthage, on apprend avec soulagement que l'on peut jouer avant l'Est. L'armée de Sicile qui était pressentie pour une action de pacification sur Syracuse est ramenée en hâte vers Carthage. L'on fait remarquer au perfide égyptien que la Sicile ne connaitra pas tous les bienfaits de la culture punique mais celui-ci n'en a cure. Quel rustre !

Fâché de son échec à Rome, le Grec décide de passer sa rage sur la petite ville de Milet, en Asie Mineure. Les dieux hellènes sont toujours aux abonnés absents et l'armée grecque se prend sa deuxième toise du tour. Autour de la table, les autres joueurs compatissent aux malheurs de Grimbou avec de larges sourires biens francs...

Au vu de la réaction carthaginoise, Ptolémée décide de ne pas pousser en Lybie et se fait surnommer "le bâtisseur" en construisant une ville en Cilicie. Il semblerait que, contrairement à notre époque moderne où les promoteurs font partie des honnêtes gens, des indélicats n'en aient profité pour lui soutirer 4 talents (240 kilos d'argent, juste ).

A la fin du tour, c'est l'heure des comptes. On fait la somme des territoires occupés et des villes construites. Le leader dans chaque catégorie marque un maximum de points, le second un peu moins, le troisième encore moins et le quatrième rien du tout. Il se trouve qu'à la fin de ce tour, le joueur punique l'emporte dans la première catégorie et se retrouve deuxième du décompte urbaniste. Il prend donc la tête du classement en assurant à ses partenaires de jeu qu'il s'agit d'un malentendu qui ne se reproduira surement pas. Le Grec est deuxième, suivi de l'Est et du Romain qui totalise 0 points.

Tour 2

Situation au début du tour:


25 années se sont écoulées. Et oui, tempus fugit. La première génération de chefs laisse la place à des hommes nouveaux. Alors que des grognements et des soupirs saluent le tirage aléatoire des leaders grecs, romains et égyptiens, on entend un gloussement extatique à la place du Carthaginois qui part précipitamment aux toilettes changer de pantalon. A son retour, il exhibe fièrement le meilleur général du jeu: Hannibal.

Pour ceux qui ne connaissent pas, Hannibal, c'est lui:

 ou lui ...

L'Egyptien jette un regard nerveux sur le pion qui arbore des valeurs pas avouables et bredouille des propos incohérents au sujet d'un truc qu'il aurait oublié à Alexandrie.

Mais pour l'heure, c'est au romain de jouer. Pyrrhus décédé, il est maintenant possible de ramener les habitants de Capoue dans le droit chemin. Mais si le chef est mort, ses soldats perpétuent son souvenir et repoussent les légions. Le Romain soulage ses nerfs sur la cité punique en y provoquant une conspiration qui fait baisser sa stabilité.

Le perfide Egyptien n'est pas en reste puisqu'il provoque une famine sur la douce cité de Salammbô. Le nouveau chef de l'Est, Séleucos II dit " le nain", bat le record du 100 mètres en quittant la Lybie avec armes et bagages. Il s'arrête en Lycie, une fois sûr que Vin D..., Hannibal est suffisamment loin.

Le Grec tire l'évènement "Pirates" et en fait profiter gentiment l'Est. Les pirates ciliciens sont une vrai plaie pour la navigation côtière dans la zone. 


Constatant que le Romain s'est gentiment refait la cerise en tapant des barbares, le Grec tente de faire de même. Son manuel de pacification est moins au point. Il échoue à deux reprises en Moesie.

C'est enfin au Carthaginois de jouer. Laissant un supplétif s'occuper des restes égyptiens en Lybie, Hannibal part vers l'Ibérie. Il exprime son talent à Toletum où les barbares sont volatilisés d'un coup. Il tente d'enchaîner en Tarraconnaise mais les Ibères sont rudes (pardon) et lui résistent. En Lybie, la ville de Leptis Magna est édifiée pour se prémunir d'un retour des vils Egyptiens.

A Rome, le sénateur Eludus ponctue tous ses discours par "Capoue Delenda Est". Dans les faits, ce n'est pas gagné. Deux attaques infructueuses énervent bien la plèbe. On apprend la destruction de Massilia par les barbares.

En Asie Mineure, le royaume du Pont fait son apparition. C'est une nouvelle épine dans les sandales grecques et égyptiennes. L'armée pontique tente de surprendre les Egyptiens mais se fait repousser.

Pendant ce temps, en Ibérie, Panzhannibal poursuit son périple. La Tarraconnaise est conquise, ainsi que les mines d'argent espagnoles.

En Asie mineure, la guerre froide entre le Grec et l'Est devient soudain chaude. Décidant unilatéralement que Sardes est égyptienne, l'Est décide d'en priver Grimbou. Les remparts de la cité sont solides, trois assauts sont infructueux.

A Pella, capitale de la Macédoine, on ignore soigneusement les demandes de renforts du gouverneur de Sardes et on décide de continuer à frapper sur les barbares, à la romaine. Cette fois, les hoplites grecs sont moins doux et la Moésie est conquise.

A Sardes, l'heure est grave. On s'apprête à se rendre quand, à la stupeur des défenseurs, on voit l'armée égyptienne lever le camp et se diriger à marches forcées vers le sud. Une révolte d'esclaves vient d'éclater à Alexandrie, et s'étend dans le delta du Nil. Maudissant les dieux, Séleucos II voit ruiner 10 ans d'efforts.

Du coup, à Pella, on décide de taper .... les barbares ! Les Dalmates sont "civilisés".

Rome concentre ses forces et parvient enfin à reprendre Capoue. On décide au Sénat que la totalité de la botte italienne doit être latine. Aussi, Tarente est assiégée et conquise. La présence grecque en Italie n'est plus qu'un souvenir.

En Egypte, la tempête ayant bloqué le retour offensif de l'armée de Séleucos, la reconquête est lente. Embusqués dans les marais du Fayoum, les esclaves mènent la vie dure aux soldats de l'armée régulière.

Enfin, on apprend qu'Hannibal vient de finir la conquête de l'Espagne en s'emparant de la Lusitanie.

De nouveau, on compte les points. Et bien figurez vous qu'un hasard extraordinaire désigne le punique comme premier dans les deux catégories. S'excusant bien bas, il prend un peu plus la tête du classement. D'autant plus qu'il avait tiré l'objectif secret "Conquête de l'Espagne" et qu'il l'a accompli. Les regards sont durs autour de la table et on voit briller les dagues sous les toges. Le Grec confirme sa deuxième place, alors que le Romain passe troisième, l'Est n'ayant rien réussi à accomplir de probant durant ce tour.


Tour 3


Bien, reprenons. Venez, asseyez vous près de moi... Voila, plus près, confiance, tout çà...



Cinquante années ont donc passé et force est de constater que les petits enfants n'ont plus rien à voir avec leurs grands-pères. Si la deuxième génération était décevante, la troisième est constituée de débiles congénitaux. Les leaders sont donc dotés de surnoms affectueux tels que "Toto l'asticot", "Crassus le lent" ou "Hanniboule la Bouboule". On voit le niveau.

Voyez plutôt:

avant, le basileus égyptien, c'était çà:

 Je suis content de te voir . Oui, j'ai senti...
Cinquante années plus tard, on en est là:
Entre le concours agricole et drag queen, j'hésite...
M'enfin, il ne faut pas se laisser abattre et pour passer le temps, l'Est décime les esclaves révoltés. Après plusieurs années de chienlit, Alexandrie est reprise et l'ordre règne.

Notez la valeur du chef, à gauche. Plus c'est haut, mieux c'est...

A Rome, on hésite. Crassus recrute des légions. Carthage et le Grec sont inquiets.

En Ibérie, les barbares autrefois soumis par Hannibal se soulèvent. Plusieurs tribus secouent le joug punique et contestent le contrôle du territoire. Le Conseil décide néanmoins de faire un effort naval et concentre une flotte à Panormos en Sicile. Un amiral carthaginois aurait déclaré: "Je ne sais pas comment les Romains viendront, mais ce ne sera pas par mer".

En Moésie, les barbares sont aussi rentrés en rébellion contre les Grecs. Si la Moésie supérieure est rapidement maîtrisée, l'Inférieure résiste à l'envahisseur. A Pella, on parle de bourbier...

Un malheur ne venant jamais seul, l'Est incite une guerre civile entre Pella et Athènes. Un général transfuge athénien galvanise ses compatriotes et lève une armée qui vient raser Pella. Pendant que les Grecs se déchirent, l'Egyptien ressurgit en Lycie et repousse les Hellènes à Sardes qui devient à nouveau la ville frontière entre les deux royaumes. Une petite armée est envoyée prendre le contrôle de la Chersonèse. Mais sans référendum...

A son tour, le Grec décide de se livrer à son passe temps favori: la chasse aux barbares. Sans succès cette fois. Menés par un cimmérien musclé, les barbares résistent avec insolence aux assauts des phalanges.

Il en est de même en Ibérie, où les Carthaginois tiennent à grand peine le sud et l'ouest de la péninsule. La Tarraconaise se révèle insoumise. C'est alors que surgit un deuxième larron. Rome a pris la mesure de ses muscles et a décidé de venir marcher sur les plates bandes puniques. Huit légions déferlent en Ibérie et repoussent sans peine les armées carthaginoises épuisées.

Répondant à la force par la fourberie, les Carthaginois ripostent en coupant les lignes de communication romaines à Massilia. Une flotte de transport romaine y est surprise et coulée par les trirèmes puniques. La plupart des légions mourront de faim. Une armée romaine parvient à se maintenir à Ilerda, dans le nord de la péninsule, en y installant un campement permanent.

En Asie Mineure, l'Egyptien progresse encore en conquérant la Cappadoce. Le royaume du Pont a réussi à contrecarrer les plans égyptiens en reprenant la Chersonèse.

Et c'est la fin du tour. Bis repetita placent, comme ils disent. Carthage engrange modestement la majorité des points de victoire, pendant que le Romain fait un retour remarqué. L'Est est troisième et le Grec stagne.


Tour 4


On approche du siècle de jeu, pas mal, hein? La quatrième génération est moyennement moyenne, composée de généraux médians qui connaissent à peu près leur métier. Voila, voila.

L'Est est le premier joueur. Le basileus décide de se débarrasser une fois pour toute des pontiques, ces vermines qui lui pourrissent la vie depuis plusieurs générations. Une campagne de grande envergure est lancée mais les soldats du Pont se révèlent indélogeables, cachés dans leurs montagnes. Le basileus en éprouve du mécontentement

Partagé entre cynisme et stoïcisme, Grimbou vacille sous l'influence des philosophes grecs. Il lève quelques phalanges à Athènes et fait relever les remparts de Pella et de Sardes, qui en avaient bien besoin.

Rome suscite une révolte chez les marins carthaginois de Panormos. A Carthage, on proteste contre un tel manque de fair-play. La fourberie n'est pas acceptable chez l'adversaire. Pour ne rien arranger, le généralissime carthaginois, pressenti pour une reconquête musclée de l'Ibérie, meurt d'une maladie honteuse au sortir d'un lupanar de Malaga. On lui fait des funérailles nationales et on raconte qu'il est mort au corps à corps, en héros, ce qui n'est pas totalement faux...

Les mauvaises nouvelles accablent aussi le Grec qui voit les esclaves se révolter en Thrace. Montrant une maîtrise rare, le gouvernement macédonien fait des propositions d'avancées sociales révolutionnaires: on promet les 70 heures aux esclaves ainsi qu'un compte "Epargne-Coup de Fouets". Devant une telle magnanimité, les esclaves retournent au travail.

Pensant enfin tenir son adversaire entre ses griffes, l'infâme Eludus lance ses bateaux à l'attaque. La rencontre à lieu à Crotone. La flotte punique apprend aux latins qu'il ne suffit pas de s'improviser marin pour remporter un combat naval. L'ensemble de la flotte romaine part donc rejoindre les fonds et émerveillera plus tard les archéologues par le grand nombre de navires coulés au même endroit.
Au Sénat, on est plutôt dépité, comme le prouve ce cliché d'époque:


A son tour, Carthage sent son heure venue. Une armée débarque dans la botte et tente de reproduire les exploits du grand Pyrrhus en attaquant Capoue. Les remparts tout neufs prouvent leur qualité et les Puniques en sont pour leurs frais.

A l'est, rien ne va plus. Une nouvelle guerre civile éclate en Macédoine. Cette fois, c'est un général transfuge macédonien qui galvanise ses compatriotes et part raser Athènes. Pour se consoler, Grimbou annexe la Galatie. Y aurait il une relance en Asie Mineure où le Grec ne cesse de reculer depuis le début de la partie ?

Ben non. Dans un gémissement évoquant le cri de la hyène en rut le soir au fond de la savane, l'Egyptien abat triomphalement la carte "Alliance avec Pergame". Ce royaume mineur est puissant et sert de mur entre le Grec et l'Est tant qu'il est neutre. Mais s'il bascule d'un côté ou de l'autre, c'est l'orgie.

Je suis content de te voir, le Grec. Oui, j'avais senti
Cette alliance va permettre à l'Est d'accomplir ce que les premiers Séleucos n'avaient pas pu faire: prendre Sardes. Malgré la détermination des défenseurs, la ville se rend au bout de deux assauts. L'Est se permet même le luxe de reconstruire les remparts de la ville dans la foulée.


Penchant de plus en plus pour le stoïcisme, Grimbou reconstruit les murs d'Athènes et part se chercher une bière... Il aura au moins la consolation d'assister à l'échec égyptien sur Millet. L'Ionie est encore trop bien défendue pour tomber. Le Pont continue à jouer les trublions en reprenant la Cappadoce. Les habitants sont fatigués, l'hymne national change tous les quinze jours...

A l'ouest, rien de nouveau. A Carthage comme à Rome, les caisses sont vides et les armées fatiguées. On gigote un peu en Espagne sans action majeure. Rome construit un deuxième campement, en plein sur les mines d'argent. A défaut de pouvoir les exploiter, le Romain en prive le Punique. Quelle mesquinerie!

Le décompte révèle que l'ordre n'a pas changé, les efforts des joueurs s'étant plus ou moins annulés. Rome prend néanmoins la deuxième place, derrière Carthage. Le Grec vient ensuite et l'Est est toujours dernier.



Tour 5


On aborde le tournant du siècle. Côté chefs, on retire une fois de plus des mous du gland. Evoquer une épopée avec une telle bande de bras cassés relève de la gageure. L'auteur part du principe, d'ailleurs réaliste, que des bons chefs, ça arrive de temps en temps alors que des mauvais, c'est plutôt le standard chez l'homme de Cromagnon.

Le tour commence en fanfare avec une belle guerre civile à l'Est. Le côté amusant, c'est que quand vous êtes victime d'une guerre civile, ce n'est pas vous qui la simulez, mais un voisin. L'œil larmoyant et la lippe humide, BobMoranne implore Grimbou de retenir son bras vengeur. Mais le Grec, la mine grave, abat sa pelle d'un coup ferme. "This is Sparta", aurait-il dit. Il était tard, on l'excuse.

Avec la moitié de son armée vaporisée dans un combat fratricide, l'Est panse ses plaies en jetant des regards noirs au Grec. Impassible, le Grec mérite son surnom de barbarauchtone en reprenant le nettoyage ethnique de la Moésie Supérieure. Intervient alors une discussion intéressante entre les joueurs sur l'opportunité de laisser vivre les enfants barbares au risque de les voir reprendre un jour les armes. Hummm.... Passons.

A Rome, on annonce que la campagne d'Ibérie est terminée. Les Puniques sont finis, on peut construire en toute tranquillité. Une nouvelle ville est fondée.

A Carthage, on annonce que la campagne d'Ibérie commence. Les Romains vont prendre cher. C'est d'ailleurs ce qui se passe. Une déferlante violette s'abat sur la Tarraconnaise qui redevient punique. On change le plat national ainsi que le drapeau.


A l'est, on pense ses plaies. Le Grec recrute pendant que l'Egyptien élimine les restes du Pont.

Le Sénat, outré par la tournure des évènements d'Espagne, décide de réagir. Une armée gigantesque débarque en Sicile et prend Lylibée et Panormos. Carthage réagit à son tour en reprenant Lylibée et en s'emparant de Numance, en Ibérie.

En Grèce, on décide de se lancer dans de grands travaux. Un ingénieur sort des plans vieux d'un siècle pour construire une tour géante preneuse de villes: l'Hélépole. Construite à l'intérieur des terres grecques et à des centaines de stade de tout objectif militaire, cette arme secrète ne servira pas de la partie. C'est comme mettre un Ch'ti à Hollywood dans un Rafale: surarmé mais complètement con. Les autres joueurs font les gorges chaudes de cette manifestation de l'hubris macédonien.

Pendant que certains dilapident leur fortune dans des projets grandiloquents, à l'ouest, on se bat virilement. Les armées puniques finissent la reconquête de la Tarraconaise. Le Sénat romain tente de renverser la situation en tentant une ultime attaque sur Lylibée mais c'est un nouvel échec.

Profitant d'un instant de répit provoqué par l'épuisement des légions romaines, le Conseil des Anciens de Carthage s'avise du fait que la Cyrénaïque est vide de troupes égyptiennes. Ecoutant l'appel au secours d'un vieux berger muet des plaines de Cyrène, le Conseil décide de venir en aide aux populations martyrisées depuis trop longtemps par des éléments extrémistes. Une force de paix et d'amour est envoyée à Cyrène, au grand dam de l'Est qui considérait que finalement la situation était pas mal comme ça. On a beau lui expliquer qu'en droit carthaginois, c'est possible, il a l'air de mal le prendre.

 Une vue de la situation à la fin du tour. On voit bien l'hélépole au centre du territoire grec.

Vient le décompte des objectifs territoriaux et d'urbanisation. Grâce à son geste désintéressé en fin de tour, Carthage domine encore le premier, alors que Rome est désormais leader incontestée dans le BTP. Le Grec est troisième et l'Est, dernier.


Tour 6


Autour de la table, les mines sont graves. Un consensus s'établit entre trois des joueurs: on va casser du punique. Le joueur carthaginois essaye bien d'évoquer un anti-carthaginian bias mais sans succès.

L'Est est le premier à jouer. Deux armées s'ébranlent simultanément. L'une d'entre elles occupe les dernières localités du Pont pendant que l'autre agresse les forces de paix carthaginoises en Cyrénaïque. Ne voulant rien d'autre que l'amitié entre les peuples, l'armée punique se replie en bon ordre mais à vitesse soutenue.

Le Grec a le bonheur de tirer une carte qui permet de briser l'alliance entre Pergame et l'Est. Sinon, il se contente de briquer son Hélépole à la cire d'Olympie.

A Rome, on a pas forcément de bons chefs, mais de la suite dans les idées. Une troisième génération de légionnaires part se faire massacrer en Ibérie. Testament fait et héritage distribué, les Romains s'en vont stoïquement vers leur destin.

Le Conseil des Anciens réfléchit: la situation est difficile en Ibérie, compromise en Sicile et tendue en Cyrénaïque. On imagine qu'un peu de diplomatie pourrait détendre l'atmosphère. Il parait que la plus belle des femmes est grecque. Une ambassade punique se rend donc à Pella pour demander la main de la belle Héllène au profit du chef Hamilcar. Grimbou répond par la négative. On lui demande alors pourquoi?
Le Grec fit alors cette réponse qui, déformée, tortura nombre de latinistes: "Car ta gaule d'Héllène laisse t'à désirer"...

Ecoeuré par de tels préjugés, Hamilcar débarque en Bruttium et s'empare de Tarente, laissée vide de troupes.

L'Egyptien décide qu'une union sacrée qui durerait plus d'un round serait malvenue, aussi il retourne à son Grec bashing. Cyzique et la Chersonèse sont prises. Le Grec n'a plus aucune possession en Asie Mineure. Enhardi par ses succès, l'Est attaque son allié d'autrefois, Pergame, mais sans succès.

Désirant conserver ses acquis en Espagne, le Conseil de Carthage décide d'un mouvement hardi: quittant Tarente, Hamilcar prend le bateau et longe les côtes de Sicile, d'Afrique, d'Ibérie et débarque à Malaga avant de surgir en Tarraconaise pour y châtier les légions. Il y remporte une grande victoire mais se voit gratifier du douteux honneur d'être le seul chef à mourir au combat de toute la partie.

Pendant que l'on se congratule dans la capitale punique, on s'aperçoit qu'il y a une faille dans le plan. Toutes les troupes carthaginoises sont en Ibérie et la capitale est en slip. Et le Romain s'en est rendu compte! Malgré toutes les manœuvres dilatoires et arguments fallacieux sortis par le Carthaginois, le Romain reste de marbre et lance ses légions dans un assaut amphibie sur Carthage.

La patrie de la paix et de l'amour, où les licornes viennent se reproduire avec des petits poneys est en danger.

Vue d'auteur de la ville de Carthage, circa -57 avant JC.
Heureusement, les dieux ne laissent pas s'accomplir un tel forfait. Les légions rentrent en Sicile après avoir fait un trou dans les murailles de la cité. Mais cela n'arrange pas pour autant la situation punique: le meilleur chef carthaginois est mort au champ d'honneur et les caisses sont désespérément vides. On tente de faire illusion en rassemblant deux escadres de trirèmes dans le port de Carthage et on évoque avec force détails les malheurs des expéditions maritimes.

Malgré des conseils puniques qui déplorent qu'une arme telle que l'Hélépole reste sans servir alors qu'elle pourrait, allez savoir, servir à conquérir une ville romaine, le Grec continue de taper sur les barbares. Cette fois-ci, ce sont les Daces qui mangent.

Le Romain dispose des deux dernières activations du tour. Il est temps de s'en remettre au destin. Et de prendre une bière.

Prenant tout son temps, Eludus construit d'abord une flotte gigantesque et sort de sa manche le corvus et l'harpax pour être sûr d'attaquer à 10 contre 1. Le seul détail qui cloche est la médiocrité du consul romain en charge de l'attaque. Tout au long de la partie, le Romain s'est appliqué à piocher des mauvais qui lui ont valu de nombreux déboires.
La règle interdit à une force d'assaut amphibie de lancer l'attaque si le retour n'est pas garanti. Les soldats n'acceptent pas qu'on les abandonne en pleine mer.
Le Romain lance le dé, il a besoin d'un 2 ou plus pour attaquer. Le dé roule dans un silence de plomb et s'immobilise sur... 1 !!!! A ce moment, le joueur carthaginois a eu comme un accès de joie... Les trois autres joueurs se sont répandus en considération vaseuse sur les petits félins de sexe féminin.

Et c'est le moment du décompte final ! Carthage recueille les justes fruits d'une politique saine et basée sur une chance insolente et termine en tête. La seconde place revient à Rome qui a accomplit un effort d'urbanisation sans précédent dans le bassin méditerranéen. Le troisième est le Grec qui a réussit à compenser ses pertes en Asie Mineure par des acquisitions sur les barbares. Le dernier est l'Est qui a tout de même bien ramassé avec des évènements tombant toujours au plus mauvais moment.

Le jeu à la fin de la partie
Ainsi se terminent les Six Tours de Carthage, qui n'en aurait surement pas supporté un septième. Sic Transit Gloria Mundi !

1 commentaire:

Athys a dit…

Un régal de lecture qui donne envie de découvrir ce jeu fameux...