lundi 31 janvier 2011

1805: Sea of Glory (GMT), un aperçu



Dans un billet précédent, j'ai déjà vanté les mérites de 1805: Sea of Glory (GMT, ci-après: "SoG) concernant sa jouabilité par correspondance. L'enchantement n'étant toujours pas retombé plusieurs parties plus tard, une brève présentation de ce jeu s'impose.

SoG propose de simuler les affrontements navals qui eurent lieu entre Anglais et Alliés (autrement dit une flotte française supportée par des vaisseaux espagnols majoritairement de faible qualité) durant l'année 1805. Alors stationné au camp de Boulogne, Napoléon espérait encore obtenir la maîtrise de La Manche afin de débarquer en Angleterre.

La simulation proposée traite du sujet à l'échelle opérationnelle; le théâtre des enjeux comprend la Méditerranée, l'Océan Atlantique Nord et les Antilles. Chaque hexagone représente 50 milles marin.

Outre le fait que la règle n’est pas amendée à ma connaissance (ce qui est rare chez GMT), quatre aspects de ce jeu m’ont particulièrement séduit :

1) La particularité des conditions de victoire. Tout d'abord, précisons que l'Allié gagne automatiquement la partie s'il parvient à franchir La Manche avec des troupes régulières (cette possibilité de victoire requiert un Anglais particulièrement passif étant donné que deux tours sont nécessaires aux navires alliés pour permettre l'installation de barge d'invasion). Habituellement, la partie se départage aux points de victoire. Ces points de victoire se décomposent en "Napoleon Objectives" et en "Pitt Objectives" de différentes valeurs; ces objectifs sont tirés aléatoirement par chacun des camps au début de la partie. Placés sur les lieux susceptibles de subir des raids ou des invasions (notamment Malte, Alexandrie, Bantry Bay, Mer du Nord, Antilles), ils restent inconnus de l’adversaire durant toute la durée du jeu. Si l'Allié parvient a effectué avec succès un raid, il récupère l'objectif "Napoleon" correspondant à l'endroit "raidé" et ne le révèle pas à l'adversaire. Dans le cadre d'une invasion, ce qui est plus difficile à réaliser puisque cela requiert un transport de troupes, il gagne non seulement l'objectif "Napoleon" mais également l'objectif "Pitt" (dont la valeur ne lui sera toutefois dévoilée qu'en fin de partie). Si à la fin du jeu, une région n'a fait l'objet d’aucun raid ni invasion, alors l'Anglais remporte les points correspondant à l'objectif "Pitt" pour cette région-là. A côté de cela, les deux protagonistes peuvent encore récolter des points en fonction des navires adverses coulés. Enfin, ils sont tout deux soumis à certains ordres de leur amirauté, ce qui peut également influencer sur le décompte des points de victoire. Par le biais de ce système, la rejouabilité de SoG est garantie. En fonction des endroits à protéger ou à attaquer (qui peuvent ne pas du tout coïncider avec les intérêts de l'ennemi), les parties prennent à coup sûr des tournures très différentes de l'une à l'autre. Cette approche favorise aussi les coups de bluff sans pour autant transformer le jeu en loterie à numéro.

2) Un tour de jeu constamment renouvelé. A chaque tour de jeu, un pool de marqueurs est constitué. Ces marqueurs sont au nombre de 19. Ils sont les suivants: marqueurs 'vent' (9) qui servent à désigner les zones activées et à bouger les flottes, marqueur 'temps' (4) qui simulent orages et tempêtes dans des endroits bien précis, marqueurs 'bonus' (4) qui permettent un mouvement supplémentaire et marqueurs 'initiative' (2). L'initiative passe d'un joueur à l'autre lors du tirage du premier marqueur éponyme. Au second tirage, le tour s'achève. Par conséquent, un tour de jeu peut durer entre 2 et 19 marqueurs. L'ordre dans lequel les marqueurs sont tirés peut profondément influencer le déroulement d'un tour. Les joueurs doivent composer avec tous ces facteurs: initiative (vaut-il mieux pourchassé ou être pourchassé ?), tempêtes (qui peuvent avoir pour effet de rompre partiellement le blocus anglais dans les ports), bonus déjà sortis (dont le manque pourrait se faire cruellement ressentir), etc. Cette approche d’ "utility risk management" est une composante essentielle de Sog.

3) Le brouillard de guerre. SoG est un jeu à blocs dont la plupart représentent une flotte. Ils permettent ainsi d'en cacher la composition. L'Allié bénéficie en plus de leurres qui entrent en jeu lors d'une sortie de port non-détectée ainsi que par le biais de marqueurs 'bonus'. L'Anglais quant à lui possède des frégates utiles pour la détection des mouvements ennemis. Certes, un tel système se justifie amplement pour un jeu naval, le jeu du chat et de la souris n'en constitue pas moins une part importante du plaisir offert par SoG.

4) Le chrome. Cet aspect est très bien développé dans SoG à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il y a les événements en tant que tels. Ils surviennent premièrement de manière aléatoire après le tirage du premier marqueur d'initiative de chaque tour. Deuxièmement, l'Anglais doit tirer un événement appelé "admiralty" à date fixe tandis que l'Allié doit remplir des directives ordonnées par Napoléon. L'impact de ces événements peut-être plus au moins important ou contraignant pour chacun des protagonistes (espionnage, révolte, indépendance US, augmentation de la production, obligation de raids ou d'invasions, etc.). A côté de cela, le mécanisme du jeu limite l'Allié dans ses mouvements tant en le contraignant dans les possibilités qu'il a de sortir des ports (par le biais de 'provision chits'. L’Allié en reçoit entre deux et trois en fonction de la saison. Ensuite il les répartit secrètement entre ses ports. Le problème est que certains d’entre eux ne permettent pas de sortir du port) que de s'orienter librement (selon des ordres de l'amirauté, il peut définir un nombre de destinations à l’avance et les modifier durant la phase administrative). Cela confère un élément de chrome supplémentaire au jeu, empêchant ainsi la flotte française de batifoler librement au milieu des océans. Enfin, on signalera que les amiraux importants sont individualisés et que de petites règles spécifiques s'appliquent pour eux à des moments bien précis (par exemple Villeneuve ‘Fatalistic’ perd son sans froid s'il doit affronter Nelson).

Arrivant à la conclusion de cette description, je ne peux que réitérer tout le bien que je pense de SoG. A dessein, je n'ai pas critiqué la carte dont le graphisme ne fait pas l'unanimité. Pour ma part, elle me convient parfaitement et ne saurait en aucun cas m'empêcher d'apprécier une partie de ce jeu original et prenant que je recommande vivement.

Justin

mercredi 26 janvier 2011

Pandémie un jour...


J'ai terminé récemment la lecture de "Virus" de Richard Preston. Un livre absolument terrifiant. Il retrace dans une forme romanesque (entendez par là que l'on suit des personnages) un fond documenté comme un documentaire historique: l'apparition et les ravages du virus Ebola. L'auteur a en effet produit un travail de journaliste et restitue dans son livre ce labeur qui est donc un compte rendu de faits réels. Autant dire que ce livre est prenant de bout en bout: tenu en haleine de la première à la dernière page j'ai en fait lu ce livre en seulement 3 fois! Il ne s'agit de rien d'autre que de la guerre menée par les scientifiques contre ce virus aux effets aussi foudroyants que dévastateurs. En notre ère mondialiste et globale, on voit un virus se propager comme une trainée de poudre grâce à nos moyens de déplacements modernes. On suit dans Virus les plus éminents scientifiques militaires traquer en Afrique et l'éradiquer jusqu'en banlieue de Washington (par deux fois!). On assiste également au conflit d'intérêt entre les militaires de l' U.S. Army Medical Research Institute of Infectious Diseases (USAMRIID) et les civils du célèbre Center for Disease Control and Prevention basé à Atlanta.
On ne peut que rapprocher ce livre à la principale œuvre ludique sur ce thème: Pandémie, très bon jeu de plateau coopératif. On comprend finalement bien la difficulté de gagner à ce jeu contre les pandémies virales, le Virus de Preston nous le prouve clairement: si un jour nous devions laisser un foyer viral s'épanouir quelque part dans le monde, peu y survivront.
Lisez ce livre... et sachez.

aTomm

mercredi 19 janvier 2011

Moi, Hannibal


J'ai profité de la réédition en poche de ce livre de Giovanni Brizzi pour le découvrir. J'avoue une nette préférence pour le titre original: Hannibal, comme une autobiographie. Car c'est tout juste ce dont il s'agit: un roman autobiographique. Hannibal, le plus grand des généraux puniques, nous relate donc ici sa vie et son aventure italienne lors de son exil forcé. On le sent d'emblée, il y a derrière l'histoire de cette homme qui parait si véridique, finalement si simple, un énorme travail de la part de l'auteur. D'un point de vue forcément empathique, puisque le héros carthaginois nous narre ses stratagèmes, ses coups d'éclats stratégiques et tactiques mais nous confesse aussi ses crimes et nous fait partager ses doutes et ses amours, le lecteur est forcément happé dans son histoire.

Les faits semblent si évidents que peu de lecteurs pourront les remettre en cause. Je ne le ferai pas bien sûr, je ne suis absolument pas un érudit pour le faire. Par contre ma grande critique ira au ton du livre. Il manque à mon goût clairement quelque chose dans la forme: j'aurais aimé sentir un vent épique lors des passages de combats, cela m'a vraiment beaucoup manqué. Mon autre problème lui est formel: je ne sais pas si la version originale souffre du même écueil mais je regrette le ton vraiment trop littéraire utilisé par la plume d'Hannibal. Cela créé une distance trop grande, j'ai vraiment eu du mal à croire qu'Hannibal ai pu écrire ces lignes, tellement le style soutenu utilisé semble en décalage avec ce que l'on pourrait s'attendre d'un militaire qui a battu la campagne pendant tant d'années. On s'attend bien sûr à une écriture assurée, extraction aristocratique oblige, mais cela a créé chez moi une distance avec le héros que je n'aurais pas souhaité. Il en reste une lecture passionnante, extraordinairement documentée que je recommande chaudement, malgré mon problème de distanciation avec l'auteur qu'on aimerait tant être Hannibal le Grand.

aTomm

lundi 17 janvier 2011

The Spanish Civil War (GMT), une découverte prometteuse


Qu’on se le dise tout de suite, le thème ne m’intéressait pas particulièrement. Et pourtant, c’est lorsque j’ai vu le jeu déployé chez mon ami Hervé que l’envie soudaine m’a pris de l’essayer et je ne le regrette absolument pas, bien au contraire. Petit tour d’horizon.

The Spanish Civil War (GMT) traite de la guerre d’Espagne. Un tour représente un ou deux mois, la campagne entière faisant 19 tours au total. Le système de jeu est certainement ce qui a d’emblée suscité mon intérêt. Les règes sont en effet extrêmement clairs et efficaces. Basées sur le même système que The Great War in Europe, elles permettent de simuler de manière simple et cohérente, mais pas simpliste, de nombreux facteurs propres à ce type de jeu tout en y apportant un réel chrome historique. Le tour de jeu comprend ainsi une première phase administrative durant laquelle des événements sont tirées aléatoirement. C’est aussi à ce moment-là que les renforts entrent en jeu ou que les « colonnes » initiales (sorte de « bandes armées ») cèdent la place à des divisions plus correctes. Les mouvements stratégiques prennent également place à cet instant. Ensuite de cela vient le tour du joueur nationaliste qui procède à sa phase opérationnelle avant le joueur républicain. La phase opérationnelle est subdivisée en quatre parties : un mouvement (en plus de l’éventuel mouvement stratégique), une phase de combat (qui intègre différents facteurs : terrain, soutien aéronaval, QG, problème de munitions pour le Nationaliste en début de partie, attaque concentrique, etc.), un mouvement d’exploitation (ça bouge effectivement beaucoup) suivi d’un combat d’exploitation. Enfin, le tour se conclut par un contrôle des conditions de victoire et du ravitaillement. S’agissant des règles, je précise que le livret est extrêmement lisible.

De par le déroulement historique de ce conflit, le jeu présente une courbe d’apprentissage naturelle. Je m’explique. En début de partie (pour la campagne), les deux camps auront peu d’unités à gérer. Souvent, ces dernières seront de piètre qualité à l’exception des troupes coloniales. Avec l’arrivée de renforts massifs, les joueurs apprendront à utiliser les QG, les chars et l’aviation (dont la légion Condor) à bon escient.

D’un point de vue stratégique, le Nationaliste rythme la danse en début de partie. Il doit par contre faire attention aux contre-attaques que tentera le Républicain dans le Nord. J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur ce sujet, ce d'autant plus que ce wargame semble bien se prêter au jeu par correspondance.

Un dernier mot sur le matériel : je le trouve très joli et très fonctionnel. Quant aux aides de jeu, elles sont également bien faites et complètes.

Au moment où j’écris ces lignes, j’estime que le potentiel de The Spanish Civil War est énorme et que le ratio difficulté/ simulation/ historicité est excellent. Même si le thème ne m’enchantait pas spécialement à l’origine, je me réjouis de découvrir plus avant ce jeu.

Voici quelques images [Cliquez pour les agrandir].

1. Le set-up initial de la campagne. Le Républicain est en vert foncé, le nationalise en bleu avec les troupes coloniales en brun. On constate que les deux camps seront amenés à attaquer et défendre. Pour gagner, le Nationaliste peut conquérir Madrid ou réduire le nombre de "points de moral" du Républicain en dessous d'un certain seuil en fonction des villes conquises.

2, Les piles de renfort sont impressionnantes. Heureusement, le mécanisme est assez simple. On aperçoit au premier plan l'esthétisme des pions au symbole OTAN.
3. Le début de partie avec une poussée du Nationaliste depuis le Sud. L'un de ses premiers enjeux est de rétablir une ligne avec ses troupes au nord afin d'approvisionner toutes ses troupes en munition.
Justin

dimanche 9 janvier 2011

C&C Napoleonics pour débuter l'année en douceur


J’ai disputé hier ma première partie de l’année en face à face sur le nouveau jeu de Richard Borg : Commands & Colors : Napoleonics (GMT). Je vous livre ici mes impressions sur un jeu que je ne connaissais pas. 

Disons-le d’entrée : dans C&C Napoleonics, l’aspect « gamey » prédomine sur l’historicité. Mais ce n’est pas ce qu’on lui demande et tel n’est finalement pas le propos puisqu’à l’instar d’autres titres dans la mêmes vaine (C&C Ancients, Battlecry ou Mémoir’44), le système de jeu fait la part belle à l’approche ludique avec un système résolument simple mais efficace. Moyennant acceptation d’une certaine dose de chance dans le tirage des cartes, qui servent à activer des secteurs (gauche, centre, droit) ou à donner des ordres tactiques (bombardement, contre-attaque), C&C Napoleonics remplit à merveille sa mission, savoir celle de passer du bon temps durant un après-midi de janvier sans se prendre la tête. 

Jouant le français, j’ai particulièrement apprécié le fait que les mécanismes privilégient l’attaquant qui frappe en premier. Un petit regret quand même ? Le matériel aurait pu être un peu plus soigné : entendez par là que les dés spécifiques au jeu doivent être auto-collés, ce qui donne une drôle d’impression visuelle.

Voici quelques images [cliquez pour agrandir]

1. Bataille de Waterloo, déploiement. Typique des jeux de Borg, le terrain peut être modulé par le biais de tuiles.


2. Bataille de Waterloo, l'artillerie français se met en position. Dans cette partie, ma main était particulièrement favorabe. Elle m'a permis de bombarder les positions anglaises.
  

3. Bataille de Waterloo, l'assaut des lignes françaises.
 

4. Batailles des Quatre-Bras, déploiement. Sur la gauche de la photo l'on distingue les vilains dés dont je parlais plus haut.

Justin

L'art de la guerre par l'exemple


Soutitré "Stratèges et batailles" ce livre de Frédéric ENCEL nous présente effectivement autant de stratèges que de batailles. Au nombre de 64, tel un échiquier, les entrées de l'ouvrage sont livrées dans l'ordre chronologique. 32 stratèges de Sun Tse (plus souvent nommé Sun Tzu) à Henry Kissinger et 32 batailles de Kadesh à la guerre du Yom Kippour. Un très large éventail donc, dont le propos est de déployer de manière non-exhaustive les grands noms ayant marqué l'histoire militaire de l'humanité.
Evidemment en quelques pages pour chaque homme ou bataille il ne faut pas s'attendre à une explication détaillée. Néanmoins grâce à quelques cartes, on suit agréablement les combats décrits. Toujours restituée dans son contexte politique et conjoncturel, chaque bataille prend suffisamment de sens pour être intéressante. Les choix de l'auteur ont donc été plus conditionnés par la portée symbolique des batailles que pour leur seul intérêt tactique/stratégique.
Pour ma part parmi les périodes les plus récentes cette lecture m'a permis de découvrir ce qui se cachait derrière certains noms que je connaissais sans avoir pris le temps d'en savoir plus (étant plus bercé dans l'histoire antique, j'ai un peu plus de mal avec les conflits modernes ou contemporains).
Une lecture agréable donc, peu d'écueils je pense, et même si certains choix peuvent se discuter, ce livre plaira aux personnes cherchant un ouvrage de découvertes. L'amateur éclairé ou l'érudit passera son chemin, il pensera perdre son temps à lire des résumés là où il aura déjà lu tant de livres complets sur chaque thème abordé ici.

Prenons ce livre pour ce qu'il est: un rapide et agréable voyage dans le temps.