dimanche 3 février 2019

La pandémie romaine


Même si je ne suis pas loin de penser que l'empire romain fut une pandémie en son temps, c'est bien du dernier opus de la série de jeux coopératifs Pandemic dont je veux parler : La Chute de Rome (qui a dit bien fait??? Oh!).

Voici donc le 3e titre de la série des Survival qui auraient pu simplement s'intituler Historical. Iberia et les maladies de la péninsule au 19e siècle et Montée des Eaux et les digues néerlandaises (presque flippant puisqu'on sent le what if d'un futur trop proche) sont donc complétés par cette Chute de Rome, nous plongeant dans un monde déstabilisé par les voisins un poil barbare du géant romain. 

Côté mécaniques de base pas de surprise, on retrouve précisément le tour de jeu de n'importe quel pandémie: je fais 4 actions, je pioche 2 cartes, je tire des cartes pour faire empirer la situation. On retrouve des Révoltes qui ne sont rien d 'autres que les Épidémies du jeu de base. On perd toujours si un joueur ne peut pas piocher de cartes joueur, si on a subit trop de Pillages (aka Éclosions), si l'on ne peut pas poser un cube sur le plateau, mais aussi, si Rome est pillée (d'où le titre, malin, donc). On gagne globalement aussi de la même façon que d'habitude : en forgeant des Alliances (aka Trouver des Remèdes) avec une petite subtilité qui consiste à réussir à génocider du plateau une tribu barbare à la place de faire alliance avec (Subtil. Si si).

Bon dit comme ça, on a l'impression que le jeu se contente d'un lifting à la sauce Histoire et Jupettes et rien d'autre. Mais en fait non. Car le système fait de son mieux pour coller à son thème et offrir quelques subtiles subtilités. Voyons voir comment :

-  Les Alliances: au nombre de 5 comme les 5 couleurs des 5 envahisseurs barbares sauvages et haineux... au lieu des 4 maladies du Pandémie de base. En plus de ça chaque barbare n'aura pas besoin du même nombre de cartes pour accepter l'alliance avec Rome et n'a pas non plus le même nombre de cartes dans le paquet, ni le même nombre de cubes.


- Le plateau : forcément c'est là que le plus d'effort d'adaptation thématique est déployé. A la différence des autres Pandemic, puisque tous les chemins mènent à Rome, ici les villes forment des routes menant à Rome (deux par couleur, soit 10 chemins possibles). Un système fort malin de placement des cubes fait que l'on a l'impression que les barbares se rapprochent de la capitale. Cet aspect rappellera fortement la série State of Siege de VPG à ceux qui la connaissent.

Où l'on voit les "chemins vers Rome" avec les flèches de chaque couleur
- Le placement initial est plus "piloté" que dans les autres jeux car seules les 6 villes connectées aux territoires barbares seront concernées. 9 cartes à bord doré servent à cela. Si vous regardez bien 3 villes sont bicolores, ce qui explique les nombres. Un peu moins de surprises donc dans ce placement initial, en bien ou en mal, mais en tout cas totalement thématique.

En plus des cartes dorées vous voyez également les cartes rouges qui sont des cartes Rome de chaque couleur, qui rejoignent la pioche après la première révolte. Là ça commence à chauffer!
- Mobilisation, légions et baston : là c'est historique et ça sent la castagne! Pour la première fois les pions des joueurs vont balader avec eux des meeples légions (3 max en se déplaçant) qui vont servir à pas mal de choses dans le jeu (nous venons en paix, pacification, tout ça). Vous pourrez construire des forts pendant la partie qui vous permettront de mobiliser des légions (poser des légions avec le fort). Les légions permettront de faire l'action de Combat. Pour cela vous lancerez un dé par légion dans le combat. Alors oui il y a des dés dans ce Pandémic. Et non ce n'est pas la première fois, Cthulhu en possédait déjà un, mais moins prégnant. Là c'est vraiment du dé de résolution de combat avec des pertes en cubes et/ou légions et l'activation d'une capacité de personnage. Les légions ont un autre atout : ils peuvent défendre une ville où un cube devrait être posé. La légion est sacrifiée et on ne pose pas le cube. C'est à double tranchant. De plus si des légions sans personnage ni fort avec eux subissent ce sort alors toutes les légions présentes disparaissent, une seule dans le cas inverse. C'est stratégiquement important.

Autre aspect historique : plus les révoltes s'accumulent, moins vous pourrez mobiliser de légions dans vos forts. Mais comme vous êtes sensé avoir forger des alliances avec de plus en plus de barbares, vous devriez pouvoir les enrôler de plus en plus facilement.

- Les actions : en dehors des actions classiques, nous retrouvons le combat, la mobilisation mais aussi l'enrôlement des barbares dans les légions. Très historique avec parallèlement la diminution de la mobilisation romaine à proprement parler. On retrouve ici une des raisons de la fin de la "romanitude" ayant certainement entrainée cette "chute" de Rome par l'intégration à outrance des barbares dans le tissu romain. Il suffira donc de jouer une carte de la couleur d'une tribu "alliée" pour transformer ses cubes en légions. Oui les "alliés" continuent à vous pourrir et peuvent même vous faire perdre la partie s'il le faut. Les alliances c'est sympa mais faut bien manger et puis sur un malentendu...

Donc globalement voilà pour l'adaptation de ce jeu iconique à une thématique historique et guerrière qui pourrait bien entrainer certains wargamers à Pandemic. Personnellement je trouve le jeu thématiquement justement très réussi. Ce n'est certainement pas un wargame mais ce jeu de plateau a vraiment intégré des mécaniques reflétant des réalités historiques. Et ça c'est vraiment un excellent point. Purement mécaniquement certains ajouts font que cette version est aussi plus riche avec quelques nouvelles options: les événements avec deux choix, les personnages avec des capacités uniques déclenchées par les dés et un vrai mode solo (à voir mais certainement adaptable aux autres titres). J'ai fait une seule partie solo et je me suis fait rouler dessus. C'est bon signe.

Les illustrations sont très réussies, particulièrement celles des événements...
... ce qui est relou par contre c'est qu'un soldat romain de cette période ressemblait plus à ça qu'au sempiternel légionnaire du 1er siècle! Les dégâts d'Hollywood et des stéréotypes...


Si le jeu est thématiquement bien adapté je ne suis par contre pas sûr que ce soit le titre le plus capable de continuer à surprendre à force de parties. Mais l'avenir le dira. Un seul indicateur : le nombre de parties jouées dans la durée.

Un jeu que je conseille fortement si le jeu coopératif vous titille mais que des thèmes médicaux vous rebutent. Ici, c'est l'Histoire! Juste en passant et pour en finir je vous conseille le dernier chapitre de Histoire des Guerres de l'Antiquité de John Warry; une douzaine de pages de lecture avant de sortir le jeu, pour les rappels historiques.

Arnaud

PS: je sais je n'écris pas une lettre mais PS quand même. A propos du matériel de jeu qui s'il est toujours aussi réussi graphiquement, ne s'améliore pas côté matériaux. J'en veux pour preuve ce plateau qui gondole beaucoup trop à mon goût. Trop léger? Temps de séchage non respecté? Un peu dommage de ce côté.












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